BAGDAD, Irak : Emmanuel Macron participe samedi à Bagdad à une conférence régionale, où les talibans au pouvoir en Afghanistan et le retour sur le devant de la scène du groupe Etat islamique (EI), auteur d'un attentat sanglant à Kaboul, seront l'objet de toutes les préoccupations.
Le président français veut montrer que la France conserve un rôle dans la région, poursuit la lutte contre le terrorisme et soutient les efforts de médiation de l'Irak, «pays pivot, essentiel à la stabilité du Moyen-Orient», explique l'Élysée.
Il se rendra dimanche au Kurdistan irakien, où il saluera la lutte des Kurdes contre l'EI, puis à Mossoul, symbole de la victoire contre le groupe radical qui l'a occupée de 2014 à 2017.
Un voyage de 48 heures sous très haute sécurité. Les déplacements des officiels et journalistes étrangers s'effectuent dans des véhicules blindés.
«Comme au Sahel, il s’agit de notre voisinage et de notre sécurité nationale. La France tient à poursuivre ce combat en Irak et ailleurs pour éviter la résurgence toujours possible de Daech», a souligné l'Élysée, en utilisant un acronyme arabe pour désigner l'EI. Paris fournit à l'Irak un appui militaire, notamment aérien, avec en moyenne 600 hommes sur place.
- «Désamorcer» les tensions -
Avec cette conférence régionale, l'Irak entend «désamorcer» les tensions entre l'Iran et l'Arabie saoudite, selon un conseiller du Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi.
Sont notamment attendus les ministres iranien et saoudien des Affaires étrangères, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le roi de Jordanie Abdallah II. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a été invité, mais sa présence n'est pas confirmée.
Mais les discussions devraient déborder du cadre du Moyen-Orient, après la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan et l'attentat jeudi à l'aéroport de Kaboul mené par une branche de l'EI, qui a fait des dizaines de morts dont 13 soldats américains.
Pour le président français, déjà venu brièvement en Irak l'an dernier, la menace accrue que représente l'EI après cet attentat justifie d'autant plus son soutien à Bagdad.
«Ces événements montrent qu'il est urgent de soutenir plus que jamais le processus politique en cours en Irak et d'y associer les voisins, car sans un Irak stable souverain et prospère il n'y aura pas de solutions aux menaces sécuritaires dans la région», souligne son entourage.
La situation en Irak est cependant différente de celle en Afghanistan. L'armée se battait il y a quatre ans encore avec la coalition internationale contre l'EI, avant de déclarer «victoire» fin 2017.
Quatre ans plus tard, des cellules djihadistes continuent de mener ponctuellement des attaques. Le dernier attentat suicide d'envergure revendiqué par l'EI a fait plus de 30 morts à Bagdad en juillet.
L'EI «dispose toujours de dizaines de millions de dollars et il va sans doute continuer à rétablir ses réseaux en Irak et en Syrie», note Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center, un think-tank de géopolitique basé à New York.
- L'EI galvanisé ? -
L'EI est «l'ennemi juré» des talibans, explique Rasha al-Aqeedi, chercheuse au Newlines Institute aux États-Unis, mais leur «victoire» en Afghanistan pourrait «galvaniser» l'EI, le poussant à «montrer qu'il est toujours bien présent» en Irak.
Quelque 2.500 soldats américains sont toujours déployés en Irak. Ils se cantonneront officiellement à un rôle de «conseillers» des forces de sécurité irakiennes dès 2022.
Et pour Rasha al-Aqeedi, si le niveau de l'armée irakienne «n'est pas idéal», «les Américains pensent que cela suffit pour qu'ils puissent à terme quitter l'Irak sans craindre que le pays ne revive ce qu'il s'est passé en 2014», lors de la débandade des soldats irakiens face aux djihadistes.
Ensuite, l'Irak compte de nombreuses et très controversées factions paramilitaires pro-Iran regroupées au sein du Hachd al-Chaabi, une organisation créée pour épauler l'armée dans sa lutte contre l'EI. Depuis, le Hachd al-Chaabi a été intégré à l'Etat, mais ses détracteurs l'accusent de ne répondre qu'à Téhéran et d'assassiner et d'enlever des militants anti-pouvoir.
Les relations de l'Irak avec son grand voisin iranien devraient également être évoquées lors de la conférence de samedi, autant que les tensions entre Téhéran et Ryad.
Bagdad a déjà accueilli ces derniers mois des rencontres à huis clos entre représentants des deux puissances régionales. A présent, l'objectif pour l'Irak est de passer du statut de «messager» à celui de «meneur», relève le chercheur Renad Mansour de Chatham House.