PARIS: Faute de schéma vaccinal complet, de nombreux Français ont dû se faire tester cet été pour obtenir leur pass sanitaire, engendrant un véritable business du test qui devrait se poursuivre à la rentrée, jusqu'à la fin de la gratuité des tests annoncée pour mi-octobre.
Rien que sur la semaine du 9 au 15 août, près de 6 millions de dépistages du Covid-19 ont été réalisés, dont plus des deux tiers par test antigénique, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Pour répondre à la demande, des barnums ont fleuri un peu partout dans le pays, devant les pharmacies, les boîtes de nuit ou encore en festival.
Chez les pharmaciens - qui sont rémunérés 25 euros par test - certains essaient de profiter au maximum de ce complément de revenus et ont installé plusieurs barnums, parfois à plusieurs kilomètres de leur officine. "On a même été saisi pour une pharmacie parisienne qui a monté un barnum dans le sud de la France", déclare à l'AFP Pierre Beguerie, président du conseil central de l'Ordre des pharmaciens.
Les tests doivent pourtant se faire sous la responsabilité d'un pharmacien: ce dernier ne peut pas être à la fois dans son officine, et superviser les tests dans un barnum qui ne serait pas à proximité immédiate.
Des sociétés privées ont aussi flairé le filon. "Avec le lancement du pass sanitaire, on a multiplié notre activité par dix en juillet", se félicite Romane Audras, responsable de la communication de Covid-Pharma. L'entreprise, créée en mars 2021, vend une solution numérique qui permet notamment aux pharmaciens d'organiser leurs rendez-vous et de transmettre automatiquement les résultats des tests au SI-DEP, la plateforme d'enregistrement du gouvernement.
D'autres vont plus loin, et fournissent des solutions "clé en main" pour gérer toute la logistique nécessaire à la mise en place d'un barnum: de la tente au matériel de test, en passant par le recrutement des préleveurs et l'enregistrement du résultat du test.
C'est le cas par exemple de la start-up Ajan, qui, une fois le pharmacien rémunéré par la Sécurité sociale, lui facture un forfait de 15 à 24 euros par test pour ce type de prestation.
«Mafia des tests antigéniques»
Certaines de ces sociétés frôlent parfois les limites de la légalité, en demandant la carte professionnelle des soignants pour enregistrer elles-mêmes les demandes de remboursement à la Sécurité sociale, ou encore en promettant des dépistages gratuits en entreprise, alors que le gouvernement exige que ce type de campagne soit pris en charge en intégralité par l'employeur, et pas par les deniers publics.
Au sujet de certains de ces concurrents, Nicolas Baudelot, co-fondateur de Médicalib, une plateforme de demande de soins à domicile qui s'est lancée aussi dans le dépistage du Covid, n'hésite pas à parler de "mafia des tests antigéniques".
Avec la rentrée qui se profile, et la reprise des séminaires d'entreprises et autres salons professionnels qui nécessitent un pass sanitaire, l'activité de ce type de sociétés devrait se poursuivre à un niveau soutenu, avant de diminuer progressivement à mesure que la couverture vaccinale s'élargit.
La fin de la gratuité des tests, prévue à la mi-octobre, devrait également freiner ces nouveaux business, en faisant baisser le nombre de tests dits "de confort" visant uniquement à obtenir un pass sanitaire valide. Seules les personnes disposant d'une ordonnance devraient pouvoir bénéficier d'un remboursement.
Selon Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, le nombre de barnums devrait mécaniquement baisser avec la chute de la demande. Mais il estime que l'expérience des tests laissera des traces.
"Je pense que les actions de prévention en officine vont se développer pour d'autres types de pathologies", déclare-t-il, en assurant qu'il faudra probablement développer des espaces spécialisés dans les pharmacies.
Pour les sociétés spécialisées, il faudra aussi s'adapter à une forte baisse de la demande. Covid-Pharma prévoit par exemple de continuer à travailler avec ses clients pharmaciens, en les orientant vers le service d'ordonnance sécurisée de sa maison-mère, Ordoclic. D'autres entreprises envisagent de se reconvertir dans d'autres actions de prévention en santé, et notamment la vaccination contre le Covid.