PARIS : Le massacre avait suscité la sidération: un an après l'assassinat au Niger de six humanitaires français, un guide et un chauffeur nigériens lors d'une excursion, l'enquête se poursuit mais les auteurs de l'attaque revendiquée par l'EI n'ont pas été arrêtés.
"Ils aidaient les plus démunis, les plus fragiles, les plus en danger" et ils "ont payé de leur vie leur engagement humanitaire", écrivent dans un communiqué les familles des victimes et les organisations non gouvernementales Acted et Impact, qui organisent un hommage lundi à Paris.
Une cérémonie est également prévue dans les 120 bureaux des deux ONG répartis dans 40 pays. A Niamey, des membres d'Acted poseront les premières pierres d'une école dédiée aux victimes, a indiqué à l'AFP la directrice générale de l'organisation, Marie-Pierre Caley.
Dans la matinée du 9 août 2020, six travailleurs humanitaires d'Acted et Impact - deux hommes et quatre femmes âgés de 25 à 31 ans - ont été exécutés, avec leur guide et chauffeur nigériens âgés chacun de 50 ans, alors qu'ils visitaient la réserve de girafes de Kouré, à 60 km au sud-est de la capitale Niamey où ils étaient basés. Leur 4X4 blanc, portant le sigle de l'ONG sur les portières, a été pris pour cible par des hommes armés à motos.
"Passionnés des animaux sauvages", ils avaient obtenu quelques jours auparavant l'autorisation de faire cette excursion et avaient respecté le protocole, selon l'audition du responsable de la sécurité de l'ONG.
Le Niger, pays sahélien très pauvre, est en proie depuis une dizaine d'années à des actions jihadistes qui ont fait des centaines de morts. Mais une telle attaque contre des occidentaux - revendiquée un mois plus tard par l'organisation Etat islamique (EI) - était inédite dans la réserve de Kouré, fréquentée par des touristes, des éleveurs et des cultivateurs.
Aucun problème de sécurité n'avait d'ailleurs été signalé dans ce sanctuaire d'environ 116.000 hectares non clôturés, où vivent les dernières girafes peralta. Néanmoins, des témoins ont évoqué la présence depuis plusieurs mois d'hommes armés à motos dans les environs d'une commune au nord-est de Kouré, selon des documents d'enquête consultés par l'AFP.
«Attaque d'opportunité»
Un ratissage minutieux de la zone avait été réalisé dès la découverte du massacre par les troupes nigériennes, appuyées par l'armée française. Le ministère de l'Intérieur nigérien avait évoqué, dix jours après les faits, "des pistes sérieuses (..) qui peuvent nous conduire aux auteurs de ces actes". Un homme avait été interpellé, puis relâché.
Un an après, aucun suspect n'a été arrêté. "Si les familles des victimes comprennent les difficultés d'une enquête judiciaire internationale, le temps commence à être très long", souligne l'avocat de l'ONG et de deux familles, Me Joseph Breham.
Les trois juges d'instruction antiterroristes français, en charge d'une information judiciaire depuis le 25 août 2020 pour "assassinats en relation avec une entreprise terroriste", doivent recevoir les parties civiles à l'automne. L'enquête, menée conjointement par la France et le Niger, a révélé que l'ONG n'était pas visée et qu'il s'agissait d'une "attaque d'opportunité", selon une source proche du dossier.
"Les assassins étaient sur place depuis quelques jours et ont repéré le véhicule d'Acted. On en déduit qu'ils attendaient la première voiture de blancs pour attaquer", ajoute cette source. Avec la saison des pluies, la végétation était plus abondante, avec de nombreux bosquets où se cacher.
Sur deux vidéos retrouvées dans des téléphones portables de victimes, on distingue au loin un homme, bras levés au-dessus de la tête, semblant tenir un objet, et un individu sur un deux-roues. Un paysan a rapporté avoir vu ce jour-là, à la mi-journée, trois hommes juchés sur deux motos filer à vive allure vers le nord.
Cette attaque contre des jeunes engagés dans l'humanitaire avait suscité une vive émotion en France et au Niger, classé depuis en zone rouge, soit "formellement déconseillée", à l'exception de la capitale Niamey, par le ministère français des Affaires étrangères.
Le président Emmanuel Macron a annoncé en juin une réduction de la force Barkhane, présente au Sahel depuis huit ans pour soutenir les pays de la région dans la lutte antijihadiste. Ces derniers mois, Barkhane a revendiqué la mort ou l'arrestation de plusieurs responsables jihadistes.