OTTAWA, CANADA : L'Inuite et ancienne diplomate Mary Simon est devenue lundi la première femme autochtone à représenter la reine Elizabeth II au Canada, promettant d'œuvrer à la "réconciliation" dans un pays secoué par le scandale des pensionnats pour autochtones.
"C'est avec humilité que je suis prête à devenir la première gouverneure générale autochtone du Canada", a-t-elle déclaré dans son premier discours officiel lundi, lors de la cérémonie d'installation au Sénat, à Ottawa. "Je m'efforcerai de jeter des ponts entre les diverses origines et cultures qui reflètent le caractère unique et prometteur de notre grand pays", a affirmé l'Inuite de 74 ans, qui s'est engagée à "représenter tous les Canadiens".
Cheveux gris coupés au carré, vêtue d'une robe noire, Mary Simon a prêté serment lors d'une cérémonie sobre et suivie contrairement à l'habitude par seulement 44 invités, dont le Premier ministre Justin Trudeau, en raison de la pandémie. Evoquant une "journée historique" pour le Canada, la nouvelle gouverneure générale a ajouté que la réconciliation, loin d'être aisée, exigeait un "effort quotidien".
Sa prise de fonction intervient à un moment crucial pour le Canada confronté à des pages sombres de son passé et sa politique d'assimilation. Des dizaines de milliers d'enfants amérindiens, métis et inuits ont été enrôlés de force dans des pensionnats pour autochtones de la fin du 19e siècle aux années 1990, écartés de leurs familles et de leur culture. Des milliers n'en sont jamais revenus.
Evoquant cette réconciliation avec les peuples autochtones, Justin Trudeau a dit avoir "hâte de travailler" avec Mme Simon "pour bâtir un pays meilleur pour tout le monde". "Nous avons besoin de gens comme Mary Simon, parce que nous avons besoin de gens qui construisent des ponts et nous rassemblent", a-t-il ajouté.
Née en 1947, cette Inuite originaire du Nunavik (nord du Québec), qui a été ambassadrice canadienne aux Affaires circumpolaires, puis au Danemark, a toute sa vie défendu les droits et la culture de son peuple. S'exprimant en anglais, en inuktitut et un peu en français, l'ancienne militante pour les droits des autochtones a rappelé qu'elle avait appris à vivre entre "deux mondes".
Souvent attaquée depuis sa nomination sur sa non maîtrise du français, l'une des deux langues officielles du pays, elle s'est une nouvelle fois engagée à l'apprendre.
«La première, pas la dernière»
La nouvelle gouverneure générale, qui a fait de la défense de l'Arctique l'un de ses chevaux de bataille, a également évoqué la crise climatique. "Le Canada subit les conséquences disproportionnées des changements climatiques parce que l'Arctique se réchauffe plus rapidement que presque partout ailleurs sur la planète", a expliqué celle qui est la cinquième femme à représenter officiellement Elizabeth II, la cheffe d'Etat du Canada.
Sa nomination est un geste très politique puisqu'elle a surtout des fonctions protocolaires: elle est commandante en chef des forces armées, promulgue officiellement les lois et convoque ou dissout le Parlement. "C'est la première mais pas la dernière", veut croire Zincia Francis, habitante de Toronto de passage dans la capitale canadienne lundi. Jordan Glazer, étudiant de 22 ans, estime lui que "c'est un jour historique et une très grande victoire pour le Canada dans son entier".
Pour Thierry Rodon, professeur de sciences politiques à l'université Laval à Québec, "c'est un pas de plus vers une réconciliation symbolique". Mais "la gouverneure générale n'a aucun pouvoir sur les politiques publiques donc cela ne changera rien à la question de l'accès à l'eau potable, la décolonisation de la relation établie par la loi sur les Indiens, la primauté du développement économique sur les droits autochtones..."
Jeudi, Mary Simon s'est entretenue avec la reine Elizabeth II par vidéoconférence. Elle est nommée pour cinq ans et succède à Julie Payette, qui a démissionné en janvier après des accusations de harcèlement au sein de son bureau.