BERLIN : Les sociaux-démocrates allemands ont connu des lendemains difficiles après les élections : après une défaite historique qui sonne le glas des ambitions d'Olaf Scholz, le parti doit se reconstruire pour jouer un rôle de force d'appoint dans une future coalition dirigée par les conservateurs.
Selon le magazine Der Spiegel, le SPD serait « le grand perdant du scrutin ». Avec environ 16,5 % des voix, le SPD est arrivé troisième aux élections législatives, obtenant ainsi le pire résultat de son histoire.
Le plus vieux parti d'Allemagne s'annonce pourtant comme l'allié incontournable des conservateurs (CDU) de Friedrich Merz, vainqueurs du scrutin avec 28,6 % des voix devant l'extrême droite de l'AfD (20,8 %), avec laquelle ils ont exclu de gouverner.
Ce serait la cinquième « grande coalition » entre les deux partis qui ont dominé la vie politique du pays depuis la Seconde Guerre mondiale. L'ex-chancelière Angela Merkel (CDU) y avait eu recours trois fois durant ses quatre mandats de seize ans.
Le social-démocrate Olaf Scholz, qui fut à l'époque son ministre des Finances, « n'a pas réussi », comme chancelier, à se démarquer de l'héritage Merkel « désormais vu de manière extrêmement critique en Allemagne », souligne le chercheur Jacob Ross, expert en relations franco-allemandes.
- Guerre des chefs -
Alors que Scholz a d'ores et déjà annoncé qu'il se mettait en retrait des négociations à venir, le populaire ministre de la Défense, Boris Pistorius, a affiché ses ambitions, se disant prêt à prendre « un rôle de direction du parti ».
Le coprésident du parti, Lars Klingbeil, s'est aussi mis en avant. Le tandem qu'il forme avec Saskia Esken, l'autre dirigeante du SPD, a esquivé toute autocritique dans l'immédiat.
Pour pouvoir discuter avec la CDU, « personne n'a intérêt à une chute des dirigeants et à des semaines de lutte pour le pouvoir », souligne le Spiegel.
Un statu quo fustigé par certains caciques sociaux-démocrates, comme Norbert Walter-Borjans, pour qui « tous les dirigeants » du parti « portent la responsabilité » de la débâcle.
Pour parvenir à un accord d'ici Pâques, comme le souhaite Friedrich Merz, les négociations s'annoncent ardues, notamment sur l'immigration, thème dominant de la campagne.
Elles dépendront des rapports de force entre les différents courants du SPD.
Jacob Ross estime que « Merz pourrait probablement négocier son programme électoral de manière pragmatique avec l'aile plus conservatrice », dont fait partie Lars Klingbeil.
Le SPD, qui a déjà durci la lutte contre l'immigration irrégulière, est ainsi « prêt à aller plus loin » sur le sujet, a indiqué Saskia Esken.
Lundi matin, le secrétaire général du parti, Matthias Miersch, a cité l'équilibre du système des retraites et les baisses d'impôts voulues par la CDU comme possibles points de blocage des discussions.
- Electorat ouvrier -
Dimanche, les résultats ont été accueillis dans un silence complet au siège du parti, la Maison Willy-Brandt, du nom de l'ancien chancelier et figure tutélaire de la social-démocratie d'après-guerre.
Jamais en 80 ans, le grand parti de centre gauche n'avait obtenu moins de 20 % des voix aux élections législatives.
Philipp Bauer, le regard embué, fixait une télévision sur laquelle étaient projetées les hypothèses de coalition. Membre du SPD depuis plus de 25 ans, il disait être prêt à rendre sa carte d'adhérent « si le SPD choisissait Friedrich Merz comme chancelier ».
Désormais concurrencé par l'AfD dans les bastions industriels de l'ouest du pays, le SPD, parti traditionnel de la classe ouvrière, voit aussi la formation de gauche radicale Die Linke progresser à ses dépens, notamment chez les jeunes.
Après trois ans de pouvoir, Olaf Scholz quitte la scène sur un bilan qui fragilise son parti. Sa coalition formée avec les Verts et les libéraux avait explosé en novembre dernier, minée par les désaccords sur la politique budgétaire.
« Trop de mauvaises performances économiques, une position trop ambiguë concernant l'Ukraine, trop d'événements tragiques, notamment plusieurs attentats » ont pesé dans le choix des électeurs, résume le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Pour beaucoup d'Allemands, selon Der Spiegel, Olaf Scholz « symbolise la crise politique et économique » dans laquelle le pays est enlisé.