Explosion au port de Beyrouth : l’activiste Paul Naggear fait le point sur le cours de la justice

De gauche à droite, les activistes Paul et Tracy Naggear, parents d'Alexandra, l'une des plus jeunes victimes de la doubles explosion au port de Beyrouth, le 4 aout 2020. (Photo fournie)
De gauche à droite, les activistes Paul et Tracy Naggear, parents d'Alexandra, l'une des plus jeunes victimes de la doubles explosion au port de Beyrouth, le 4 aout 2020. (Photo fournie)
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Publié le Vendredi 04 août 2023

Explosion au port de Beyrouth : l’activiste Paul Naggear fait le point sur le cours de la justice

  • Avec son épouse Tracy et un collectif de proches des victimes, cet ingénieur est aujourd’hui l’un des principaux activistes engagés à faire aboutir la justice, dénoncer coupables et responsables et dévoiler la vérité
  • « Ce qu’on a vécu cette année était ignoble en termes d’entraves à la justice et de blocages », souligne Paul Naggear

BEYROUTH : Trois ans déjà, depuis la double explosion au port de Beyrouth qui a emporté 220 vies, laissé plus de 7000 blessés et handicapés, détruit 77000 bâtiments et déplacé plus de 300 000 habitants des secteurs environnants. L’enquête pour déterminer les responsabilités dans ce qui est à ce jour considéré comme la plus grande explosion non nucléaire de l’histoire semble piétiner. En cette journée de commémoration, Arab News en français a fait le point avec Paul Naggear. Avec son épouse Tracy et un collectif de proches des victimes, cet ingénieur est aujourd’hui l’un des principaux activistes engagés à faire aboutir la justice, dénoncer coupables et responsables et dévoiler la vérité.

-Une promesse-

Le 4 aout 2020, à 18 :07, le confinement dû à la Covid avait décidé Paul et Tracy Naggear à travailler à partir de leur domicile dont la grande baie vitrée bénéficie d’une vue imprenable sur le port de Beyrouth. Au moment où l’explosion a lieu, leur fille de trois ans, Alexandra dite Lexou, joue sagement dans un coin du salon. Sa mère l’attire vers elle et la couvre de son corps sur lequel s’abattent des portes, des plafonds, des climatiseurs. Tracy est grièvement blessée, Paul a la joue ouverte. Lexou semble indemne, mais son crâne encore malléable n’a pas supporté le choc. Elle souffre d’une hémorrhagie interne qui va l’emporter au bout de trois jours de lutte pour tenter de la sauver. A son chevet, la voyant partir, ses parents lui promettent de déployer tous les moyens pour faire aboutir la justice, seule condition pour que le Liban redevienne un pays viable. Dès lors, sans même prendre le temps de faire son deuil, le jeune couple qui a aujourd’hui un petit garçon prénommé Axel, va être propulsé à l’avant-scène de ce combat dans lequel il est engagé à ne jamais baisser les bras.

-Des mécanismes de blocage insidieux et agressifs-

« L’enquête est bloquée », souligne, Paul Naggear, lapidaire, quand on lui demande où en sont les investigations. « Cela fait deux ans que le juge Bitar est arrêté dans ses fonctions par des mécanismes insidieux, agressifs, de la part d’un régime qui se sent peut-être coupable, quelque part et a peur de voir éclater la vérité », précise-t-il, détaillant : « On est malheureusement bloqués par beaucoup de moyens déployés sur la scène locale. On n’a toujours rien en matière de vérité et de justice. Au contraire, les choses se détériorent ». Au cours des trois dernières années, pourtant, une vingtaine de personnes, dont des ministres et des fonctionnaires de haut niveau, ont été arrêtées, de qui a donné aux Libanais un espoir de voir la justice aboutir. Mais les entraves se sont multipliées. « Ce qu’on a vécu cette année était ignoble en termes d’entraves à la justice et de blocages. Je pense notamment au pseudo-juge -shérif de western- Ghassan Oueidate, l’homme du régime qui a libéré les personnes arrêtées. Ces arrestations avaient été pour nous un dernier espoir de voir la justice avancer. Cela a été un très grand coup porté au système judiciaire que nous avons très mal vécu. Aujourd’hui nous ne sommes vraiment pas bien », réagit Naggear.

-Une mission onusienne d’établissement des faits-

Ces petits pas suivis de reculades devraient pourtant représenter un progrès, même lent, vers ce but ultime de voir triompher la justice dans un pays où le système judiciaire, fortement politisé et sous influence, devient de moins en moins crédible. Pour Paul Naggear, cependant, les moyens dont on dispose pour faire aboutir la justice existent.

« Il faudrait que l’intégralité de la classe politique coupable ou responsable de cette catastrophe soit remplacée. Il faudra qu’on arrive à faire pression d’une certaine manière pour que les mécanismes de blocage soient débloqués, je pense notamment à la nomination des juges pour l’assemblée générale de la cour de cassation qui doit acter pour défaire ces mécanismes ». A la question de savoir si ces mesures, si elles sont trouvées seront suffisantes, Naggear répond, lucide : « Nous savons qu’il en surgira des dizaines d’autres, mais cela pourrait servir de point de départ. La mission d’établissement des faits, près le Conseil des droits de l’homme qui doit pourvoir faire pression également si jamais elle est actée la résolution passe sur le gouvernement et les instances judiciaires pour que les choses se débloquent. Nous emploierons tous les moyens pour y arriver, et nous y arriverons ».

-Les pressions, preuves que le juge fait bien son travail-

La justice libanaise étant ce qu’elle est, prise en otage par les chefs communautaires et une partie de la classe politique, les espoirs de voir aboutir l’instruction semblent bien minces, mais Naggear se veut confiant : « Je pense que la justice libanaise, en la personne du juge Bitar et de quelques autres bon juges, œuvre de bonne foi. Nous pensons tous que l’énorme pression et tous les blocages que le juge Bitar est en train de subir prouvent qu’il est en train de faire les bonnes choses à faire », affirme-t-il. Mais le véritable espoir est ailleurs. Il se situe surtout dans les actions menées à l’étranger, malgré deux années perdues où la communauté internationale semble s’être abstenue de contribuer aux preuves. « On sait, à travers le rapport de Human Rights Watch, par exemple, ou certains médias d’investigation, que certains politiques ont eu un rôle à jouer, qu’ils ont une certaine responsabilité » souligne Paul Naggear. «S’ils bloquent le juge, c’est que le juge est en train de faire correctement son travail. Nous croyons en son intégrité, et nous estimons que c’est un bon juge. Mais la justice libanaise est-elle bonne ? Si c’était le cas, elle ne serait pas aujourd’hui bloquée à ce point. Je pense que les différentes instances judiciaires auraient pu trancher ou ne plus accepter les demandes de récusation ou agir plus vite parce que ce sont des choses qui se gèrent très rapidement » détaille-t-il.

A la question de savoir où en est l’instruction, alors que celle-ci semble paralysée, Naggear se montre optimiste : « D’après ce que nous avons entendu dire, c’est que le dossier d’instruction du juge Bitar est très avancé et qu’il ne lui manque plus que quelques éléments pour le clore. Nous attendons donc que ce dossier soit complet. Nous n’accepterons pas que des éléments soient communiqués de manière bâclée. Nous croyons en la capacité du juge Bitar d’y parvenir. Il faut juste qu’on le laisse faire son boulot » insiste-t-il.

-Une cérémonie devenue rituelle-

Récapitulant le programme de la commémoration prévue ce 4 aout à Beyrouth, Paul Naggear précise: «Cet après-midi, à 15h (UTC+3), une tente de la Justice et des Droits de l’homme, dressée près du port, accueillera des débats autour de plusieurs sujets, dont l’enquête locale et les enquêtes internationales, la mission d’établissement des faits que nous demandons auprès du Conseil des Droits de l’homme des Nations-Unies, et d’autres sujets qui seront exposés par de grandes personnalités et experts pour chaque thème, comme Nizar Saghié, Choucri Haddad, Lama Fakih, Aya Majzoub, Michel Meouchi, Diane Assaf…Nous invitons autant de monde que possible à venir écouter pour savoir ce qui se passe autour du dossier et autour des différentes pistes judiciaires. A 16h, il y aura un rassemblement à la caserne des pompiers de Beyrouth à la Quarantaine, en mémoire du petit groupe appelé pour éteindre l’incendie et dont aucun n’est revenu. Vers 17h nous nous dirigerons vers le port. A partir de 17 :30, nous observerons une minute de silence, puis il y aura des discours».

Trois ans plus tard, le 4 aout demeure une date extrêmement douloureuse pour de très nombreux habitants de Beyrouth. Malgré leur lassitude face à l’acharnement d’une partie du pouvoir à entraver la justice, esquiver les comparutions et se prévaloir de son immunité, ils savent que seule la vérité pourra mettre un baume sur les blessures et ne sont pas près de lâcher prise.


JO-2024: «si aucun Palestinien ne se qualifie», le CIO les invitera, déclare son président

Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
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  • Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive
  • Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo

LAUSANNE, Suisse : Les athlètes palestiniens devraient être «six à huit» aux JO de Paris, où le Comité international olympique les invitera s'ils ne parviennent pas à se qualifier, a indiqué vendredi son président Thomas Bach dans un entretien exclusif à l'AFP.

«Nous avons pris l'engagement clair que, si aucun athlète ne se qualifie sur le terrain, le comité national olympique (CNO) palestinien bénéficiera d'invitations», a annoncé le dirigeant. Interrogé sur l'ampleur de ces invitations, il a ensuite évalué le nombre de représentants palestiniens à «six ou huit» à Paris selon le résultat des qualifications, «qui sont encore en cours dans un certain nombre de disciplines».

Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive.

Mais la venue d'athlètes palestiniens à Paris restait une interrogation majeure puisque l'offensive militaire israélienne à Gaza, consécutive à l'attaque lancée par le Hamas le 7 octobre, a notamment détruit la plupart des infrastructures sportives.

Thomas Bach avait reçu la semaine dernière à Lausanne le président du CNO palestinien, Jibril Rajoub, promettant de poursuivre le soutien du CIO aux athlètes, mais aussi d'assurer la coordination des efforts internationaux pour reconstruire les installations détruites.

Si le patron de l'olympisme a appelé dès le début du conflit entre Israël et le Hamas à «une solution pacifique», il a aussi adopté un traitement très différent de celui de la guerre russe en Ukraine, qui a abouti à une série de sanctions contre le sport russe.

Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo. Par ailleurs, «il n'y a eu aucune violation de la Charte olympique, ni par le comité israélien ni par le comité palestinien», a insisté Thomas Bach vendredi, alors que le CNO russe avait placé sous son contrôle les organisations sportives de régions ukrainiennes occupées.


En Tunisie, des migrants survivent dans des champs d'oliviers en lorgnant l'Europe

Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
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  • Selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie «se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'UE»
  • Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés

EL AMRA: Des bâches en guise d'abri, des poulets décharnés comme nourriture, des milliers de migrants d'Afrique subsaharienne vivotent dans des champs d'oliviers en Tunisie, s'accrochant à l'espoir de traverser la Méditerranée vers l'Europe.

Ils sont environ 20.000 dans des campements de fortune près des localités rurales d'El Amra et Jebeniana, à entre 30 et 40 km au nord de la métropole de Sfax (centre), selon des sources humanitaires.

Ils ont construit de premiers abris à la mi-septembre après avoir été évacués du centre de Sfax. Des milliers d'autres les ont depuis rejoints dans des plantations d'oliviers, où ils guettent l'occasion d'embarquer clandestinement vers l'Italie, à partir de plages situées à une quinzaine de kms.

C'est le cas d'Ibrahim (nom d'emprunt), parti de Guinée Conakry il y a plus d'un an pour émigrer en Europe et "subvenir aux besoins de sa mère malade et son petit frère". Il est arrivé sous les oliviers il y a trois mois en plein hiver, après avoir marché 20 jours depuis la frontière algérienne.

"C'est vraiment difficile ici, même pour des courses, on y va en cachette. On peut sortir chercher du travail mais quand ils doivent te payer, ils appellent la police", explique à l'AFP, l'air épuisé, cet étudiant qui dit avoir 17 ans.

Depuis environ un an et un discours aux accents xénophobes du président tunisien Kais Saied contre l'immigration clandestine d'Afrique subsaharienne, des milliers de migrants employés informellement ont perdu leurs travail et logement.

En 2023, des dizaines de milliers ont pris la mer au péril de leur vie depuis la région de Sfax, épicentre des départs en Tunisie. "Nous sommes à quelques kilomètres de l'Europe", explique Ibrahim, en référence aux 150 kms qui le sépare des côtes italiennes.

«Solidarité»

Près d'El Amra, sous des bâches arrimées à des poteaux avec des tubes d'irrigation, ils dorment souvent à 5 ou 10. En majorité des hommes mais aussi des femmes et enfants, venant de Guinée, Cameroun, Sénégal, Soudan, Sierra Leone ou Nigeria, regroupés par langue.

Des femmes cuisinent une sorte de ragoût, un homme montre de maigres poules blanches, impropres à la consommation mais principale nourriture des migrants.

Cet hiver, "il a fait très froid mais on arrive à survivre grâce à la solidarité entre frères africains", note Ibrahim. "Si quelqu'un a de la nourriture et toi non, il t'en donne, les bâches on les a achetées avec notre argent (envoyé par certaines familles, ndlr) ou la mendicité".

Les migrants se souviennent d'une distribution alimentaire début avril par des ONG. Beaucoup réclament plus d'aide de l'Europe.

Mais selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie "se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'Union européenne".

Sur le plan sanitaire, Ibrahim est inquiet: "il y a beaucoup de naissances, des gens malades". "On a une naissance (de bébé migrant) par jour à l'hôpital de Jebeniana, beaucoup de femmes enceintes, pas de suivi", confirme une source humanitaire à Sfax.

"Je suis ici pour traverser (la mer, ndlr) avec ma fille de 4 mois, y a pas d'eau, pas de couches, on met du plastique sous ses fesses", explique Salima, 17 ans, décidée malgré tout à "patienter le temps qu'ils (les passeurs, ndlr) ouvrent" les départs, retardés par une mauvaise météo.

«A la nage»

Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés.

Près de Jebeniana, des journalistes de l'AFP ont vu des cartouches de gaz lacrymogènes et des bâches arrachées mais aussi des cabanes en phase de reconstruction.

"La police nous fatigue beaucoup, hier j'ai été chassé au niveau des boutiques (à El Amra)", raconte Sokoto (un surnom), 22 ans, parti de Guinée il y a trois ans, entré en janvier en Tunisie par la frontière algérienne.

Mohamed Bekri fait partie des habitants d'El Amra qui apportent un peu d'eau et de nourriture aux migrants. "C'est une démarche humanitaire, il y a des bébés de trois ou six mois", dit ce commerçant quinquagénaire.

"Enlever les tentes n'est pas la solution, il faut que l'Etat trouve une vraie solution. Ce n'était déjà pas une solution de les amener à El Amra où habitent 32 000 personnes", ajoute-t-il.

Malgré les tensions et la grande précarité, aucun des migrants rencontrés ne veut retourner au pays.

Pour Sokoto, "la marche arrière s'est cassée". "Je suis sorti pour aider ma famille, j'ai beaucoup souffert pour arriver ici, je ne rentre pas en Guinée même si je dois traverser à la nage".


Le Hamas «étudie» une contre-proposition de trêve israélienne

Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez  AFP)
Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez AFP)
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  • «Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza
  • Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire

TERRITOIRES PALESTINIENS : Le mouvement islamiste palestinien Hamas a annoncé samedi «étudier» une contre-proposition israélienne en vue d'une trêve dans les combats à Gaza associée à la libération d'otages, un nouveau développement dans les pourparlers que l'Egypte tente de relancer.

«Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste (nom donné à Israël, ndlr) à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza, Khalil al-Hayya.

«Le mouvement étudiera cette proposition et soumettra sa réponse une fois son étude terminée», a-t-il ajouté dans un communiqué publié tôt samedi.

Le Hamas avait indiqué dans un communiqué le 13 avril avoir remis sa réponse aux médiateurs égyptiens et qataris sur une proposition de trêve avec Israël dans la bande de Gaza, en insistant sur un cessez-le-feu permanent.

Sans rejeter explicitement le contenu du projet de trêve, le mouvement palestinien y réaffirmait ses «exigences», soit «un cessez-le-feu permanent», le retrait de l'armée israélienne «de toute la bande de Gaza», «le retour des déplacés dans leurs zones et lieux de résidence, et « l'intensification de l'entrée de l'aide humanitaire».

Or Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire.

Les détails de cette contre-proposition n'ont pas filtré mais la presse israélienne évoquait plus tôt cette semaine la libération possible, dans un premier temps, de 20 otages considérés comme des «cas humanitaires».

Cette contre-proposition intervient alors qu’une délégation égyptienne est arrivée vendredi en Israël pour discuter d'un «cadre global pour un cessez-le-feu» à Gaza, selon le média égyptien proche des renseignements Al-Qahera News, qui cite un haut responsable égyptien.

Selon des médias israéliens, la délégation doit tenter de relancer les négociations, au point mort depuis plusieurs semaines, et plaider pour un accord de trêve impliquant la libération de «dizaines» d'otages retenus à Gaza.

La guerre entre Israël et le Hamas sera également au centre des entretiens de hauts diplomates arabes et européens attendus ce weekend à Ryad, en Arabie saoudite, dont les chefs de la diplomatie d'Allemagne et de France.

- «Un missile, et un autre» -

Sur le terrain, dans la nuit de vendredi à samedi, des Palestiniens ont fait état de frappes israéliennes près de Rafah, où Israël se prépare à lancer une offensive terrestre en dépit des craintes de la communauté internationale.

De nombreuses capitales et organisations humanitaires redoutent un bain de sang dans cette ville, où s'entassent un million et demi de Palestiniens, pour beaucoup dans des camps de tentes, sans eau ni électricité.

La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée contre Israël par des commandos du Hamas, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens.

En représailles, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste, de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.356 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Vendredi à la mi-journée, un correspondant de l'AFP a vu des appareils tirer des missiles sur une maison du quartier Al-Rimal de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, et les corps d'un homme, d'une femme et d'un enfant être extraits des décombres.

«J'étais assis en train de vendre des cigarettes et soudain un missile est tombé, secouant toute la zone, suivi d'un autre missile, secouant à nouveau la zone. Nous nous sommes précipités pour voir ce qui s'était passé, et nous avons trouvé des martyrs, un homme, une femme et une petite fille», a également raconté à l'AFP un témoin qui n'a pas donné son nom.

Après six mois et demi de bombardements aériens, de tirs d'artillerie et de combats au sol, la guerre a dévasté Gaza où l'ONU estime à 37 millions de tonnes la masse des débris et gravats à déblayer.

- Liban, Yémen et Etats-Unis -

Le conflit a aussi migré à la frontière entre Israël et le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah, libanais, voire au Yémen, où les rebelles Houthis ciblent une partie du trafic maritime en mer Rouge en soutien à Gaza.

Israël a annoncé vendredi qu'un civil israélien travaillant sur un chantier avait été tué près de la frontière par des missiles tirés du sud du Liban.

«Dans la nuit, des terroristes ont tiré des missiles antichar» dans une zone contestée située à la frontière entre le Liban et le plateau syrien du Golan, annexé par Israël. Le Hezbollah affirme y avoir mené «une embuscade complexe» contre un convoi israélien  et avoir «détruit deux véhicules».

Dans la soirée, le groupe islamiste libanais Jamaa islamiya, proche du Hamas, a annoncé la mort de deux de ses cadres dans une frappe israélienne au Liban.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt avoir éliminé un des cadres de ce groupe, Mosab Khalaf, qu'elle accuse d'avoir «préparé un grand nombre d'attaques terroristes contre Israël».

Au Yémen, les rebelles Houthis ont revendiqué dans la nuit de vendredi à samedi des attaques ayant endommagé l'Andromeda star, un navire circulant en mer Rouge selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom).

Aux Etats-Unis, pays allié d'Israël, un mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise sur les campus, après être parti il y a plus d'une semaine de l'université Columbia à New York.