MSF: À Gaza, « tous les blessés sont en danger de mort dans les heures à venir »

Un panache de fumée éclate lors d'un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 octobre 2023. (AFP/Dossier)
Un panache de fumée éclate lors d'un bombardement israélien à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 19 octobre 2023. (AFP/Dossier)
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Publié le Mercredi 03 avril 2024

MSF: À Gaza, « tous les blessés sont en danger de mort dans les heures à venir »

  • Pour le personnel de santé, il s’agit aussi de faire face à « un dilemme cornélien, entre abandonner leurs patients à une mort quasi certaine, ou rester au péril de leur propre vie»
  • Aujourd’hui, sans distinction, «le corps médical subit le même sort que le reste de la population : sous les bombes depuis le début du conflit»

JÉRUSALEM :  Alors que le conflit entre dans sa troisième semaine, les rares structures médicales qui fonctionnent encore dans le nord de la bande de Gaza sont soumises à des contraintes inimaginables.

Une situation humanitaire dramatique : Une partie du personnel médical a été forcée de fuir vers le sud du territoire et les soignants restants doivent composer avec un accès restreint à l'électricité et à l'eau potable, dans un contexte de siège.

La situation des hôpitaux à Gaza 

Depuis l’ordre d’évacuation lancé par Israël, qui a appelé plus d’un million d’habitants à rejoindre le sud de la bande de Gaza, les habitants ont été confrontés à des choix impossibles pour décider de partir ou rester. Pour le personnel de santé, il s’agit aussi de faire face à « un dilemme cornélien, entre abandonner leurs patients à une mort quasi certaine, ou rester au péril de leur propre vie. Certains ont décidé de rester et continuent à travailler malgré les risques»,  alerte Guillemette Thomas, coordinatrice médicale de Médecins Sans Frontières pour la Palestine à Jérusalem, citée par un communiqué de l'ONG. 

Elle affirme être en contacts réguliers avec ses collègues qui ont fait ce choix et soutiennent les équipes du ministère de la Santé, notamment dans l’hôpital d’Al-Shifa qui est le principal hôpital de la ville de Gaza, où MSF a fourni une prise en charge des grands brûlés pendant des années. 

Aujourd’hui, sans distinction, «le corps médical subit le même sort que le reste de la population : sous les bombes depuis le début du conflit». De nombreux médecins et soignants sont morts depuis le début de l’offensive israélienne sur Gaza.

D’après MSF, chaque jour, entre 800 et 1 000 nouveaux blessés sont recensés dans la bande de Gaza, alors que le territoire reste pilonné sans relâche par l'armée israélienne, qui s'est jurée d'"anéantir" le Hamas. Tout en mentionnant que ces chiffres ne recensent que les personnes qui parviennent à se rendre dans les hôpitaux. 

L’accès aux structures de santé, déjà extrêmement dangereux, s’est aggravé avec la pénurie d’essence. «En général, seuls les patients les plus gravement atteints se rendent à l’hôpital, car faute de soins, ils risqueraient de mourir. Depuis le début du conflit, on compterait ainsi plus de 9 700 blessés. Je considère qu’ils sont en grave danger de mort dans les heures à venir, car il est désormais pratiquement impossible de les soigner», regrette Guillemette Thomas. 

Le système de santé toujours fonctionnel à Gaza ?

Dans des conditions extrêmement dégradées, en sous-effectif et sans le matériel médical nécessaire, «on assiste déjà à l’effondrement des capacités de traitement. Dans les hôpitaux, le personnel soignant ne peut plus correctement soigner les blessés, ni même en admettre de nouveau», a-t-elle poursuivi.

L'hôpital Al-Shifa est le plus grand complexe médical de Gaza. Submergé de blessés, il doit aujourd'hui faire face aux coupures d'électricité, faute de carburant, et aux bombardements alentours, qui ont déjà tué une partie de ses équipes médicales. 

Il est devenu aussi un lieu où des milliers de personnes se réfugient, dans l’espoir d’y être mieux protégées des bombardements incessants. Alors que Gaza est dans le noir, Al-Shifa est un des seuls endroits qui dispose encore d’électricité, mais pas pour longtemps faute de carburant. «Concrètement, quand il n’y aura plus d’électricité du tout, de nombreux patients vont mourir, notamment ceux qui sont dans les services de réanimation, de néonatalogie et sous assistance respiratoire. Et une pénurie générale de nombreux médicaments condamne les patients atteints de maladies».


Les conditions de vie des personnes déplacées dans le sud de la bande de Gaza

Aujourd’hui, 60 % de la population de Gaza, soit plus d’un million de personnes, vit dehors et n’a accès à rien. Ils manquent d’eau et d’accès aux soins, plus aucun soin de santé primaire n’est disponible, car les cliniques sont fermées. Les conditions d’hygiène sont très mauvaises.

«Dans les jours qui viennent, en plus des blessés de guerre, on risque de voir une vague de malades, des personnes qui vont développer des maladies liées mettant en danger les plus vulnérables, parmi lesquels les femmes et les enfants. La moitié de la population de Gaza a moins de 18 ans. Or, il n’existe plus aucun système de santé pour les prendre en charge», a-t-elle ajouté.

Les priorités dans le soutien médical 

Pour Guillemette Thomas, «il faut impérativement permettre aux hôpitaux de fonctionner à nouveau. Pour cela, il faut que des cessez-le-feu réguliers soient mis en place, il faut faire entrer massivement des médicaments et du carburant. S'il y a rupture d'anesthésiant, les chirurgiens ne pourront plus opérer, ca ne sera plus possible pour eux. Par ailleurs, il y a déjà des ruptures en anti-douleurs. 

Il faut un soutien humanitaire immédiat pour les centaines de milliers de personnes déplacées. Il faut leur assurer l’accès à l’eau et à des sanitaires, ainsi qu’à des soins de santé primaire avant que leur santé ne se dégrade de façon dramatique.» (Avec MSF)


Le procureur de la CPI demande des mandats d'arrêts contre Netanyahu et des dirigeants du Hamas

Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
Une activiste musulmane tient un écriteau représentant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'une manifestation contre Israël et en soutien aux Palestiniens à Gaza, devant l'ambassade des États-Unis à Jakarta, en Indonésie, le 17 mai 2024. (REUTERS)
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  • Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant
  • Pour des crimes tels que « le fait d’affamer délibérément des civils », «homicide intentionnel » et «extermination et/ou meurtre »

LA HAYE : Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour des crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés commis dans la bande de Gaza.

Karim Khan a déclaré dans un communiqué qu'il demandait des mandats d'arrêt contre M. Netanyahu et le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant pour des crimes tels que "le fait d’affamer délibérément des civils", "homicide intentionnel" et "extermination et/ou meurtre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile palestinienne dans la poursuite de la politique d’une organisation. D’après nos constatations, certains de ces crimes continuent d’être commis", a affirmé M. Khan en référence à MM. Netanyahu et Gallant.

Les accusations portées contre les dirigeants du Hamas, dont Yahya Sinwar, le chef du mouvement, incluent "l'extermination", "le viol et d'autres formes de violence sexuelle" et "la prise d'otages en tant que crime de guerre".

"Nous affirmons que les crimes contre l'humanité visés dans les requêtes s'inscrivaient dans le prolongement d’une attaque généralisée et systématique menée par le Hamas ainsi que d’autres groupes armés dans la poursuite de la politique d'une organisation", est-il écrit dans le communiqué.

 


L'Iran en deuil après la mort du président Raïssi dans un accident d'hélicoptère

Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
Des membres de l'équipe de secours travaillent sur le site du crash d'un hélicoptère transportant le président iranien Ebrahim Raisi à Varzaghan, dans le nord-ouest de l'Iran, le 20 mai 2024. (Agence de presse du MOJ/AFP)
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  • Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran
  • En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim

TEHERAN: L'Iran a décrété lundi cinq jours de deuil pour rendre hommage à son président, Ebrahim Raïssi, décédé dans un accident d'hélicoptère trois ans après l'arrivée au pouvoir de cet ultraconservateur qui était considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, Ali Khamenei.

Le décès de M. Raïssi à 63 ans ouvre une période d'incertitude politique en Iran, au moment où le Moyen-Orient est secoué par la guerre dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas palestinien, un allié de la République islamique.

Sa mort brutale va entraîner une élection présidentielle au suffrage universel qui devra être organisée "dans les 50 jours", soit d'ici au 1er juillet.

Mohammad Mokhber

En attendant, c'est le premier vice-président Mohammad Mokhber, un homme de l'ombre de 68 ans, qui assumera les fonctions de président par intérim.

A ce stade, aucun nom ne se dégage comme prétendant pour la présidentielle, qui se déroulera quatre mois avant le scrutin présidentiel aux Etats-Unis, principal ennemi de la République islamique avec Israël.

Elu président en 2021, Ebrahim Raïssi était, lui, considéré comme l'un des favoris pour succéder au Guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, âgé de 85 ans.

"La nation iranienne a perdu un serviteur sincère et précieux", a déclaré le chef de l'Etat dans une déclaration. En soulignant que "ses ennuis dus à l'ingratitude et aux railleries de certains méchants ne l'empêchaient pas de travailler jour et nuit".

Le gouvernement a rendu hommage au "président du peuple iranien, travailleur et infatigable" qui "a sacrifié sa vie pour la nation".

L'annonce de son décès avait été faite en début de matinée par les agences de presse et les sites d'information après la découverte de l'épave de l'hélicoptère à l'aube. La télévision d'Etat a parallèlement diffusé des chants religieux en montrant des photos du président.

L'hélicoptère du président avait disparu dimanche en début d'après-midi alors qu'il survolait une région de l'Iran escarpée et boisée dans des conditions météorologiques difficiles, avec de la pluie et un épais brouillard.

«grande perte»

La perspective de découvrir vivants le président et les huit autres passagers, avait progressivement diminué durant la nuit.

Parmi eux figurait Hossein Amir-Abdollahian, 60 ans, nommé à la tête de la diplomatie par M. Raïssi en juillet 2021. Etaient également présents le gouverneur de la province d'Azerbaïdjan oriental, le principal imam de la région, ainsi que le chef de la sécurité du président et trois membres d'équipage.

Les secours ont récupéré lundi matin les dépouilles des neuf passagers éparpillés au milieu des débris de l'appareil, un Bell 212. Elles ont été transportées à  Tabriz, la grande ville du nord-ouest, où débuteront mardi les cérémonies de funérailles.

L'épave de l'hélicoptère a été découverte à l'aube sur le flanc d'une montagne qu'il aurait heurté pour une raison encore inconnue, selon des médias. Il s'était envolé dans des conditions météorologiques difficiles, avec des pluies et un épais brouillard.

De nombreux dirigeants, dont certains de pays entretenant des relations tièdes avec Téhéran, ont envoyé des messages de condoléances.

Le président russe, Vladimir Poutine, a rendu hommage à un  "politicien remarquable" et à un "véritable ami" de la Russie. Son décès est une "grande perte pour le peuple iranien", a salué le président chinois Xi Jinping.

«Pas de perturbations»

M. Raïssi, qui avait le titre d'ayatollah, présidait la République islamique depuis près de trois ans.

Considéré comme un ultraconservateur, il avait été élu le 18 juin 2021 dès le premier tour d'un scrutin marqué par une abstention record pour une présidentielle et l'absence de concurrents de poids.

Toujours coiffé de son turban noir et vêtu d'un long manteau de religieux, il avait succédé au modéré Hassan Rohani, qui l'avait battu à la présidentielle de 2017.

Il était soutenu par la principale autorité de la République islamique, l'ayatollah Ali Khamenei, qui a appelé dimanche "le peuple iranien" à "ne pas s'inquiéter" car "il n'y aura pas de perturbation dans l'administration du pays".

Dernier message pro-palestinien 

Raïssi s'était rendu dimanche dans la province d'Azerbaïdjan oriental, où il a notamment inauguré un barrage en compagnie du président d'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, à la frontière entre les deux pays.

Au cours d'une conférence de presse commune, il a de nouveau apporté son soutien au Hamas face à Israël. "Nous pensons que la Palestine est la première question du monde musulman", a-t-il dit.

Dans un message de condoléances, le Hamas a salué un "soutien à la résistance palestinienne".

L'Iran avait lancé une attaque inédite le 13 avril contre Israël, avec 350 drones et missiles, dont la plupart ont été interceptés avec l'aide des Etats-Unis et de plusieurs autres pays alliés.

M. Raïssi était sorti renforcé des législatives qui se sont tenues en mars, premier scrutin national depuis le mouvement de contestation qui a secoué l'Iran fin 2022 à la suite du décès de Mahsa Amini, une jeune femme arrêtée pour non-respect du code vestimentaire strict de la République islamique.

Né en novembre 1960, Raïssi a effectué l'essentiel de sa carrière dans le système judiciaire, en étant notamment procureur général de Téhéran puis procureur général du pays, des postes où s'est construite sa réputation de fermeté envers les "ennemis" de la République islamique.

M. Raïssi figurait sur la liste noire américaine des responsables iraniens sanctionnés par Washington pour "complicité de graves violations des droits humains", des accusations balayées comme nulles et non avenues par Téhéran.


Dans le désert syrien, des milliers de déplacés oubliés

Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes. (AFP)
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  • "Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité
  • Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime

BEYROUTH: Dans un camp d'une région désertique aux confins de la Syrie, des milliers de déplacés fuyant la guerre dans leur pays sont "pris au piège" depuis des années, dépendant d'une aide qui ne leur parvient qu'au compte-gouttes.

Au milieu d'un paysage lunaire balayé par les tempêtes du désert, le camp de Rokbane est situé dans un no man's land près de la frontière avec l'Irak et la Jordanie, qui ont tous deux fermé leurs frontières aux réfugiés syriens.

"Nous sommes pris au piège", regrette Khaled, un policier de 50 ans ayant fait défection, qui refuse de donner son nom de famille pour des raisons de sécurité.

"Nous ne pouvons pas nous rendre (dans les autres régions) de Syrie car nous sommes recherchés par le régime, et nous ne pouvons pas entrer en Jordanie ou en Irak", ajoute-t-il.

Khaled a fui il y a huit ans sa région du centre de la Syrie, pour échapper aux exactions des jihadistes du groupe Etat islamique et aux forces du régime.

Le conflit en Syrie s'est déclenché en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, et s'est complexifié au fil des ans avec l'implication d'acteurs régionaux, de puissances étrangères et de groupes jihadistes, sur un territoire de plus en plus morcelé.

Le camp de Rokbane est situé dans une enclave protégée par une base militaire de la coalition internationale antijihadiste dirigée par Washington.

Le régime syrien contrôle les zones tout autour et le passage de l'aide est tributaire de son bon vouloir.

Rokbane a été établi en 2014, au plus fort de la guerre et a compté à un moment plus de 100.000 résidents, mais il n'en reste plus que 8.000 aujourd'hui.

« De pain et de thé »

Poussés par la faim, la pauvreté et l'absence de soins, un grand nombre de déplacés sont partis, surtout depuis que la Jordanie a fermé sa frontière en 2016.

L'ONU qualifie la situation de "désespérée" dans le camp où aucun convoi d'aide humanitaire n'a pénétré depuis 2019. Les vivres y sont acheminées en contrebande et revendues à prix d'or.

Mais les habitants risquent de ne plus recevoir ces maigres réserves. Ils affirmant que les postes de contrôle du régime ont mis fin à tous les itinéraires de contrebande vers le camp il y a environ un mois.

"Mes filles vivent de pain et de thé. Les vivres commencent à manquer", déplore Khaled, joint au téléphone par l'AFP.

La plupart des familles subsistent grâce à l'envoi d'argent par leurs proches à l'étranger ou aux salaires de quelque 500 hommes qui travaillent dans la base américaine voisine pour 400 dollars par mois, explique Mohammad Derbas al-Khalidi.

Ce père de 14 enfants, qui dirige le conseil local du camp, indique être recherché par le régime pour avoir aidé des déserteurs au début de la guerre.

"Si je n'avais pas peur pour mes enfants et pour moi-même, je ne serais pas resté dans ce désert", assure-t-il.

Déportés de Jordanie

Les seuls nouveaux arrivants dans le camp sont chaque année quelques dizaines de Syriens déportés à leur sortie de prison par les autorités jordaniennes, selon le conseil local du camp et l'Observatoire syrien des droits de l'homme.

Depuis début 2024, 24 Syriens ont été déportés, dont Mohammed al-Khalidi, un mécanicien de 38 ans, qui était emprisonné en Jordanie pour trafic de drogue.

Il dit craindre d'être arrêté s'il revient dans la région de Homs dont il est originaire, sous contrôle des forces gouvernementales syriennes, et où il ne lui reste ni maison ni famille.

"Mes proches sont tous en Jordanie, et tous ceux qui étaient en Syrie ont été tués ou sont partis", affirme-t-il à l'AFP qui l'a contacté par téléphone.

Interrogé par l'AFP, un responsable jordanien a affirmé sous couvert de l'anonymat que le royaume "n’a pas forcé et ne forcera aucun réfugié syrien à retourner en Syrie".

« Comme une prison »

"Ce camp a les pires conditions de vie", affirme à l'AFP Mouaz Moustafa, de l'association Syrian Emergency Task Force, basée aux Etats-Unis, qui s'est rendu à Rokbane.

Son groupe a réussi à y acheminer de l'aide par avion, avec l'aide de la base américaine voisine.

"Mais ils ont besoin en premier, avant même la nourriture, de médecins", souligne Mouaz Moustafa, évoquant le cas d'un nouveau né souffrant de problèmes respiratoires ou d'accouchements compliqués.

Après un appel aux dons, Mohammed, 22 ans, a pu partir pour Homs dans le centre de la Syrie, pour subir une intervention chirurgicale au foie.

Quelques mois plus tard, il a échappé au service militaire en Syrie en fuyant au Liban. "N'importe quel endroit sur terre est mieux que Rokbane", dit-il à l'AFP, joint au téléphone.

Il n'a plus vu sa mère et ses deux frères depuis deux ans, ces derniers étant toujours bloqués à Rokbane. "Ma famille sait qu'elle ne sortira jamais (...) Ce camp est comme une prison."