On pense qu'Al-Nasr, dont l’identité réelle ne peut être établie, s'appelait à l'origine Shaima Haddad et que c’était une petite fille lorsqu’elle a fui Damas quand la guerre civile syrienne a éclaté en 2011. Un article du New Yorker affirme que ce sont les attaques aériennes du régime syrien qui ont causé sa radicalisation.
« Leurs balles ont brisé nos cerveaux comme un tremblement de terre / même des os solides se sont fissurés puis se sont brisés. Ils nous ont percé la gorge et ont dispersé / nos membres – on aurait dit une leçon d'anatomie ! / Ils ont arrosé les rues alors que le sang coulait toujours / comme des ruisseaux jaillissant des / nuages », lit-on dans l'un de ses poèmes précédents sur le conflit sanglant.
Sa famille fuit au Koweït peu de temps après mais Al-Nasr ne compte pas rester longtemps dans le petit État du Golfe.
Elle retourne en Syrie en juin 2014 et, quatre mois plus tard, épouse l'extrémiste viennois Abu-Usama Al-Gharib à Raqqa, la capitale de facto du groupe terroriste, qui s’est grossie des rangs des recrues de Daech.
Al-Nasr gagne vite une certaine notoritété parmi les extrémistes. Ses poèmes, qui prennent pour thèmes la mort, la destruction, la loyauté au califat et la décapitation des apostats, se sont répandus comme une traînée de poudre parmi les militants et les commandants, que la vision fantasmée de leur situation présentée dans les poèmes excitent davantage encore.
Al-Nasr était « poétesse de la cour » à Raqqa et s’est vu octroyer le rôle propagandiste officielle du groupe terroriste – décision pour le moins paradoxale au vu des restrictions sévères que le groupe impose aux femmes.
Son livre, La flamme de la vérité, contient un recueil de 107 poèmes qui font l’éloge des objectifs de Daech et soutiennent le « cheminement » des militants – textes écrits dans une prose poétique et élégante destinée à recruter encore plus d’extrémistes.
Dans l'un de ses poèmes, elle incite les musulmans du monde entier à tuer et brûler les ennemis de l'islam : « Nos enfants innocents ont été tués et nos femmes libres ont été horrifiées / Leur seul crime était d'être musulmans / Ils n'ont personne pour les sauver / Où sont les héros de l'Islam ? / Tuez-les et brûlez-les et ne vous souciez pas des conséquences / Suivez votre épée toute-puissante, et vous annoncerez la meilleure des nouvelles. »
Parmi les autres poèmes, citons le panégyrique d’Abu Bakr Al-Baghdadi, calife autoproclamé de Daech, et prédicateur fondamentaliste qui s'est suicidé lors d'un raid américain en octobre, ainsi qu'un poème intitulé « Oussama, tu es parti », dans lequel elle pleure le fondateur d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, et le qualifie de « réformateur ».
Al-Nasr ne s’en tient pas aux poèmes. Elle écrit également un essai de trente pages dans lequel elle défend par le menu la décision de Daech de brûler Muath Al-Kasasbeh, le pilote jordanien capturé par le groupe extrémiste.
On sait encore peu de choses sur Al-Nasr et sur sa place au sein de Daech mais une chose est certaine : « Elle est née avec un dictionnaire dans la bouche », comme le dit sa mère, professeure de droi