BAGDAD: Le ministère irakien des Affaires étrangères a annoncé mardi sa décision d’annuler la visite prévue du ministre turc de la Défense, Hulusi Akar, en Irak et a convoqué l'ambassadeur turc après qu'un drone turc a tué mardi deux hauts gradés irakiens dans le nord du pays où Ankara estime être dans son droit en bombardant des positions du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Depuis que la Turquie a lancé en juin son opération "Griffes du Tigre" au Kurdistan irakien, les deux voisins n'ont cessé de s'opposer sur le plan diplomatique au sujet des frappes aériennes et de l'incursion terrestre de commandos turcs.
Mardi, la mort pour la première fois de commandants des forces régulières irakiennes a suscité des mesures plus drastiques: le ministère des Affaires étrangères a annoncé que Bagdad ne voulait plus recevoir jeudi le ministre turc de la Défense.
En outre, le ministère a ajouté que l'ambassadeur turc à Bagdad serait de nouveau convoqué, pour la troisième fois depuis juin, et se verrait remettre "une lettre de protestation comprenant des termes forts pour dire que l'Irak refuse catégoriquement les agressions et les violations" d'Ankara.
La présidence irakienne a, elle, dénoncé "une violation dangereuse de la souveraineté de l'Irak", appelant Ankara à "cesser toutes ses opérations militaires".
Invariablement Ankara assure lutter contre le PKK qu'elle considère comme une organisation "terroriste" à l'instar des Etats-Unis et de l'Union européenne.
Si l'Irak dénonce l'opération turque, en réalité, le PKK est aussi un ennemi pour Bagdad et un rival pour Erbil, qui, tous deux, ne veulent pas se mettre à dos l'allié turc, principal partenaire économique de l'Irak et poids lourd régional.
Le Kurdistan d'Irak, lui, ne peut pas se prononcer frontalement contre un groupe qui entend porter la cause kurde, la même qu'Erbil a défendu pour obtenir son autonomie en 1991. Mais dans le même temps, le PKK, qui ne le reconnaît pas comme un gouvernement kurde, lui fait concurrence sur son propre terrain.
Postes militaires turcs
La Turquie possède depuis 25 ans une dizaine de postes militaires au Kurdistan irakien. Autant de positions qu'elle n'entend pas perdre et auxquelles elle aurait même ajouté de nouvelles implantations, selon des sources kurdes.
Mardi, c'est un drone turc qui a frappé dans la région de Pradost, aux confins de l'Irak, de la Turquie et de l'Iran, dans le nord de la province d'Erbil.
Deux hauts gradés irakiens, à la tête de bataillons de gardes-frontières, ont été tués avec un chauffeur alors qu'ils se trouvaient à bord d'un véhicule, a indiqué l'armée irakienne qui dénonce "une agression turque flagrante".
Ils sortaient, selon Ihssane Chalabi, maire de la localité proche de Sidakan, d'une "réunion entre des commandants des gardes-frontières irakiens et des combattants du PKK".
Des témoins ont rapporté que des accrochages avaient eu lieu dans la matinée entre combattants du PKK et forces irakiennes. La réunion visée par le drone avait été convoquée en urgence pour tenter de calmer les tensions, selon des sources locales.
Depuis le début mi-juin de "Griffes du tigre", au moins cinq civils ont été tués, tandis qu'Ankara a annoncé la mort de deux de ses soldats et le PKK et ses alliés de dix combattants et partisans.
Le PKK livre une guérilla séparatiste sur le sol turc depuis 1984. Le conflit entre l'Etat turc et les combattants kurdes a fait plus de 40.000 morts, parmi lesquels de nombreux civils, depuis son déclenchement.