PARIS: Le gouvernement a tenté mardi d'éteindre la polémique sur l'impact de la réforme des retraites sur les femmes, "un peu pénalisées" de l'aveu même d'un ministre qui a permis à la gauche de s'insurger contre un projet "anti-femmes".
"Je ne peux pas laisser dire que notre projet ne protégerait pas les femmes. Au contraire", a lancé Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale, lors des questions au gouvernement, en réponse à la député socialiste Mélanie Thomin qui a estimé que les femmes seraient "plus lourdement pénalisées" par le report de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Longuement chahutée sur les bancs de la gauche, la Première ministre a assuré que la réforme réduirait "les inégalités inacceptables entre les femmes et les hommes au moment de la retraite".
"Nous protégeons les femmes qui ont des carrières incomplètes et hachées, les femmes qui ont commencé à travailler tôt, les femmes qui ont des petites pensions", a-t-elle insisté. "Les femmes seront les premières bénéficiaires de la revalorisation des petites pensions", a-t-elle ajouté.
"La réforme contribuera à réduire l'écart de pension entre les hommes et les femmes", a encore dit la cheffe du gouvernement, dénonçant un "faux procès", mais ajoutant espérer que le débat parlementaire permettrait de "continuer à enrichir le projet".
La polémique est née d'un document dévoilé lundi, présenté par le gouvernement comme une étude d'impact de la réforme. Il montre que cette dernière va pousser les femmes à allonger leur carrière davantage que les hommes, tout en contribuant à réduire les écarts de pensions entre les deux sexes.
L'exécutif a d'abord semblé mal à l'aise pour justifier ces impacts.
Ciotti assure que LR sera «au rendez-vous de ses responsabilités»
"La droite que nous incarnons sera toujours au rendez-vous de ses responsabilités", a affirmé Eric Ciotti lors de ses voeux au parti de droite, en évoquant une réforme des retraites "dont nous mesurons l'impérieuse nécessité" et "dont nous avons voulu atténuer la brutalité".
Plus tôt dans la journée le patron des députés Les Républicains Olivier Marleix s'était dit persuadé que son groupe porterait des "propositions convergentes" sur la réforme.
Depuis quelques jours, certains députés LR agitent la menace de ne pas voter un texte qu'ils jugent injuste pour les plus modestes ou ceux qui ont commencé à travailler tôt.
"Nous sommes au début du débat parlementaire, j'ai toujours rappelé notre souci de cohérence et notre esprit de responsabilité", a affirmé M. Ciotti à des journalistes.
«Ramer sur les plateaux»
Les femmes "sont un peu pénalisées par le report de l'âge légal, on n'en disconvient absolument pas", avait assuré lundi le ministre des Relations avec le Parlement Franck Riester. "Les trimestres par enfant ne jouent pas sur le report de l'âge, ils jouent sur la durée de cotisation", avait-il expliqué.
"C'est une sortie de route", soupirait mardi un conseiller ministériel.
"La parole de Riester hier nous met en difficulté. Cela donne du carburant aux oppositions", grinçait en écho un cadre de la majorité.
Opposées au report de l'âge légal, gauche et extrême droite se sont en effet immédiatement saisies de ces propos.
"Même le gouvernement finit par reconnaître que les femmes seront 'pénalisées' par le report de l'âge légal", a tweeté le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
Le sujet a aussi apporté de l'eau au moulin de la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot et du président du Rassemblement national Jordan Bardella, opposés mardi soir au porte-parole du gouvernement Olivier Véran lors d'un débat sur les retraites sur BFMTV.
"C'est une réforme qui est anti-femmes", a martelé la première. "Quand un ministre lui-même l'admet, que les femmes vont être pénalisées" par le report de l'âge légal, "alors c'est un bon motif pour le retirer de ce projet de loi".
"Vous êtes très mal à l'aise parce que vous vous dites 'mon collègue a dit une énorme connerie et on va devoir ramer sur les plateaux pour essayer de s'en sortir'", a renchéri l'eurodéputé du parti d'extrême droite.
Olivier Véran a assuré en réponse que tous les ministres étaient "alignés". "Essayez pas de mettre des coins", a-t-il insisté.
Comme Elisabeth Borne, M. Véran a énuméré les avantages escomptés pour les femmes, notamment le fait qu'elles seront à 60% les bénéficiaires de la revalorisation des petites retraites à 1 200 euros brut.
"Faut juste comprendre que les 1 200 euros sont là pour vous faire avaler la pilule", a protesté Jordan Bardella, soulignant qu'ils ne concerneraient que les personnes qui ont fait une carrière complète au Smic.
"Depuis le début vous expliquez aux Français qu'ils n'ont pas compris cette réforme, qu'ils sont trop bêtes pour comprendre", a dit pour sa part Mathilde Panot. "Les gens ont très bien compris ce que vous êtes en train de faire."