William Ruto élu sur le fil président du Kenya dans une ambiance chaotique

William Ruto prend la parole après avoir été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle kényane à Nairobi, au Kenya, le 15 août 2022 (Photo, Reuters).
William Ruto prend la parole après avoir été déclaré vainqueur de l'élection présidentielle kényane à Nairobi, au Kenya, le 15 août 2022 (Photo, Reuters).
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Publié le Mardi 16 août 2022

William Ruto élu sur le fil président du Kenya dans une ambiance chaotique

  • À Kisumu, la police a tiré des gaz lacrymogènes face à des manifestants qui jetaient des pierres et érigeaient des barrages
  • Le vice-président sortant qui faisait figure de challenger, a cumulé 50,49% des voix contre 48,85% pour son principal rival

NAIROBI: Le vice-président sortant William Ruto a été déclaré lundi vainqueur de l'élection présidentielle du 9 août, dans une ambiance houleuse marquée par des désaccords au sein de la Commission électorale et l'éruption de violences localisées.

A l'issue d'un scrutin pacifique et d'une interminable attente de six jours, l'ambitieux et riche homme d'affaires de 55 ans, parti de rien, a été déclaré vainqueur.

Le vice-président sortant qui faisait figure de challenger, a cumulé 50,49% des voix contre 48,85% pour son principal rival, l'ancien opposant historique Raila Odinga soutenu par le pouvoir, selon le président de la Commission électorale (IEBC), de laquelle se sont désolidarisés la majorité de ses membres.

Dans un pays historiquement marqué par les tensions tribales, il est le deuxième membre de l'ethnie kalenjin à devenir chef d'Etat après Daniel arap Moi (1978-2002) depuis l'indépendance en 1963.

Il succède à Uhuru Kenyatta, un Kikuyu, pour être le cinquième président du Kenya au terme d'une des élections les plus serrées de l'histoire de son pays.

"Je travaillerai avec tous les leaders" politiques, dans un pays "transparent, ouvert et démocratique", a immédiatement assuré Ruto dans un discours télévisé.

"Il n'y a pas de place pour la vengeance", a-t-il poursuivi, se disant "totalement conscient" que le Kenya "est à un stade où nous avons besoin de tout le monde sur le pont".

A Eldoret, son bastion, une foule de plusieurs milliers de personnes a laissé éclater sa joie, certains allant jusqu'à oublier d'écouter le discours de leur leader, chantant ou prononçant des prières les yeux fixés au ciel, tandis que des motos-taxis faisaient hurler leurs klaxons à travers la ville.

"C'est la victoire de tous les gens qui sont en bas de l'échelle, les boda bodas, les mamas mbogas" qui vendent des légumes sur les bords de route, s'est réjoui Winnie Ndalut, professeure de biologie de 35 ans.

«Processus opaque»

En début de soirée, depuis le centre national de comptage de la Commission électorale sous haute surveillance policière, son président Wafula Chebukati a annoncé la victoire de William Ruto avec 7,17 millions de votes contre 6,94 millions pour Odinga. Dans un contexte de pression extrême, le président de l'IEBC a par ailleurs déclaré avoir subi "intimidations et harcèlement".

Quelques minutes avant cette annonce, quatre des sept commissaires de l'IEBC ont tenu une conférence de presse inattendue, dans un hôtel de Nairobi, affirmant qu'ils rejetaient ces résultats. Ils n'ont cependant pas le pouvoir de les annuler.

"À cause du caractère opaque du processus (...) nous ne pouvons pas assumer la responsabilité des résultats qui vont être annoncés", a déclaré la vice-présidente de l'IEBC Juliana Cherera.

Des violences ont éclaté lundi soir dans certains quartiers populaires de la capitale Nairobi, dont Mathare et Kibera, deux bastions d'Odinga.

À Kisumu, un autre de ses bastions, la police a tiré des gaz lacrymogènes face à des manifestants qui jetaient des pierres et érigeaient des barrages avec de grosses pierres. Des magasins ont été pillés.

"Nous avons été dupés", a déclaré Isaac Onyango, 24 ans, dans une rue bouclée par deux grands brasiers et des pierres.

Les résultats de toutes les présidentielles depuis 2002 y ont été contestés. Celle de 2017 avait même été annulée par la Cour Suprême - une première en Afrique -, saisie alors par M. Odinga.

Dix ans plut tôt, la contestation des résultats de la présidentielle, également par M. Odinga, avait conduit à des affrontements interethniques faisant plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.

Malgré ces épisodes post-électoraux mouvementés, le Kenya est considéré comme un îlot de stabilité dans la région, dont plusieurs dirigeants ont félicité lundi soir la victoire de William Ruto.

L'ambassade des États-Unis a, quant à elle, réservé ses félicitations au peuple kényan et à l'IEBC, demandant aux chefs de partis d'appeler leurs soutiens à s'abstenir de toute violence et d'employer les "mécanismes existants pour la résolution de conflit".

Coût de la vie

Durant la campagne, MM. Odinga et Ruto, qui se connaissent bien pour avoir été alliés par le passé, ont assuré qu'ils respecteraient les résultats d'élections libres et transparentes, s'engageant à porter leurs éventuels griefs en justice.

Etant donné le faible écart de voix - environ 233.000 - un recours devant la Cour Suprême est fort probable.

Le camp d'Odinga aura sept jours pour le déposer. Le candidat lui-même ne s'est pas exprimé, mais sa colistière Martha Karua a déclaré sur Twitter : "Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini".

Avant elle, un membre de leur coalition Azimio la Umoja, Saitabao Kanchory, avait évoqué des "piratages" et des "irrégularités" lors de l'élection qui, selon lui, est "peut-être la plus mal gérée de l'histoire de notre pays".

Le scrutin, qui comprenait également les élections législatives et locales, a été marqué par une participation en baisse, à approximativement 65%, contre 78% en 2017.

Une certaine désillusion envers le politique, mais aussi l'actuelle flambée des prix ont dominé la campagne électorale. La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont en effet durement touché cette locomotive économique régionale, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très inégalitaire.

Défendant une "économie du bas vers le haut", William Ruto s'est proclamé porte-parole des "débrouillards" face aux dynasties politiques incarnées par Kenyatta et Odinga.

Il devra également avec son vice-président Rigathi Gachagua, comme lui empreint d'une réputation sulfureuse, faire face à l'envolée de la dette et à la corruption endémique.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"