L'Arabie saoudite doit-elle s'inquiéter de la variole du singe ?

Des caméras thermiques sont restées dans les aéroports saoudiens après la pandémie de COVID-19 pour servir de première ligne de défense contre la variole du singe (Photo, SPA).
Des caméras thermiques sont restées dans les aéroports saoudiens après la pandémie de COVID-19 pour servir de première ligne de défense contre la variole du singe (Photo, SPA).
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Publié le Dimanche 07 août 2022

L'Arabie saoudite doit-elle s'inquiéter de la variole du singe ?

  • Le Royaume est bien placé pour faire face à la menace sanitaire grâce à des réponses politiques adéquates aux épidémies de MERS et de Covid-19
  • Il a l'avantage de disposer de stratégies efficaces de surveillance, de confinement et de prévention et d'un faible taux de transmission.

DJEDDAH : Les responsables de la santé en Europe et en Amérique tirent la sonnette d'alarme face à la propagation de la variole du singe, et nombreux sont ceux qui déclarent que l'épidémie constitue une urgence de santé publique.

En Arabie saoudite, en revanche, où seuls trois cas ont été confirmés, la réaction est plus tempérée.

Selon les experts saoudiens, plusieurs raisons expliquent l'approche modérée du Royaume, notamment la présence de mesures de surveillance, de détection et de prévention bien établies, résultant de la gestion de précédentes épidémies de maladies infectieuses, et le taux de transmission extrêmement faible observé dans la région.

« Nous savons qu'en particulier dans la région du Golfe et en Arabie saoudite, de nombreux efforts ont été déployés pour signaler l'augmentation des cas et mettre en œuvre des méthodes rigoureuses pour les détecter, s'assurer que les bonnes mesures préventives et curatives sont en place pour empêcher la propagation de la variole du singe, ainsi que pour la traiter immédiatement », a déclaré le Dr Nawaf Albali, un médecin saoudien, à Arab News.

« Les États doivent mettre en œuvre les normes de contrôle et de surveillance adéquates aux frontières et accroître le dépistage, augmenter les capacités de diagnostic à l'intérieur et au-delà des frontières. »

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Nombre de cas détectés par pays (Photo, fournie).

Autrefois maladie relativement rare, la variole du singe est présente dans plusieurs pays d'Afrique centrale et occidentale depuis les années 1970, avec des flambées occasionnelles ne dépassant pas les 100 cas au cours des quatre dernières décennies. 

Les personnes atteintes de la maladie ont tendance à développer une éruption cutanée qui peut être localisée sur ou près des organes génitaux ou de l'anus, et sur d'autres zones telles que les mains, les pieds, la poitrine, le visage ou la bouche.

L'éruption passera par plusieurs étapes, dont la formation de croûtes, avant de guérir. Au début, elle peut ressembler à des boutons ou à des cloques, et peut être douloureuse ou provoquer des démangeaisons. 

D’autres symptômes, comme la fièvre, les frissons, le gonflement des ganglions lymphatiques, l'épuisement, les douleurs musculaires, les maux de dos, les maux de tête, le mal de gorge, la congestion nasale ou la toux sont aussi susceptibles de faire leur apparition.

Ces symptômes interviennent généralement dans les trois semaines suivant l'exposition au virus de la variole du singe et durent en moyenne de deux à quatre semaines.  

Depuis mai, les autorités ont détecté des dizaines de cas en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs, enregistrant ainsi plus de 22 000 cas dans le monde.

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Les symptômes de la maladie durent généralement de deux à quatre semaines (Photo, fournie).

L'Organisation mondiale de la santé a déclaré la variole du singe comme une urgence sanitaire mondiale le 23 juillet. À ce jour, on a recensé au moins 75 décès suspects dus à la variole du singe en Afrique, principalement au Nigeria et au Congo.

Le 29 juillet, le Brésil et l'Espagne ont tous deux signalé des décès liés à la variole du singe, les premiers en dehors de l'Afrique. L'Espagne a signalé un deuxième décès le lendemain, et l'Inde son premier le 1er août.

Seuls trois cas de variole du singe ont été détectés en Arabie saoudite, parmi des passagers revenant d'Europe.

Au niveau régional, les Émirats arabes unis comptent 16 cas confirmés et le Qatar 2, ce qui indique une propagation beaucoup plus lente que dans d'autres régions du monde.

La variole du singe se transmet lorsqu'une personne entre en contact avec le virus éponyme provenant d'un animal, d'un humain ou de matériel contaminé.

Elle se propage souvent par contact de peau à peau, et dans nombreux cas, mais pas tous, lors de relations physiques entre hommes.

« La propagation se fait soit par contact de peau à peau, soit par contact avec certains fluides corporels, par exemple la sueur, soit par exposition à des parties sensibles du corps comme les organes génitaux ou les parties intimes », a expliqué le Dr Albali. 

« Ce type de contacts, notamment intimes, ne sont pas si courants (dans le Golfe). Cela ne veut pas dire qu'ils n'existent pas, mais ils ne sont pas aussi répandus. »

Le Dr Abdelaziz Al-Angari, professeur adjoint d'épidémiologie à l'Université des sciences de la santé King Saud bin Abdulaziz à Riyad, a déclaré que, bien que l'OMS ait déclaré la variole du singe comme une urgence de santé publique internationale, il ne s'agit pas encore d'une pandémie.

« Le taux d'infection est lent et limité compte tenu des voies de transmission du virus », a-t-il déclaré à Arab News. 

Pour en calculer le risque relatif rapproché (une statistique qui quantifie la force de l'association entre deux événements), il faut prendre en compte un nombre suffisant de cas. À ce jour, il y a eu trop peu de cas dans le Royaume pour pouvoir tirer des conclusions. 

« Il est nécessaire d'obtenir des informations plus détaillées sur les cas, notamment par le biais d'enquêtes (données démographiques, antécédents, pratiques, informations sur les voyages, etc.) a-t-il dit. 

L'Arabie saoudite et plusieurs autres pays ont pris les mesures nécessaires pour recueillir ces données en temps réel et prévenir la propagation - des leçons qui ont été tirées des précédentes épidémies virales.

En 2012, le premier cas de syndrome respiratoire du Moyen-Orient causé par le coronavirus MERS a été identifié en Arabie saoudite.

Des études ont montré que les humains sont contaminés par un contact direct ou indirect avec des chameaux dromadaires infectés, mais la voie de transmission exacte reste floue. 

Cette expérience a incité le Royaume à élaborer des stratégies et des infrastructures de détection et de confinement, qui sont entrées en action en 2020 lorsque le Covid-19 est apparu.

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La pharmacienne agréée Sapna Patel en pleine préparation d'une dose de vaccin contre la variole du singe dans une clinique de vaccination éphémère (Photo, AFP).

Le ministère de la Santé a instauré un centre de commandement et de contrôle, et a accéléré la mise en place du Centre saoudien de contrôle et de prévention des maladies.

« Notre expérience avec le MERS-CoV a été douloureuse et particulière dans notre région, et entre 2013 et 2015, les autorités sanitaires ont compris l'ampleur de la prévention de la maladie, des confinements, de la fermeture des marchés et de certaines activités commerciales liées aux chameaux », a déclaré Albali.

« Nous comprenons donc l'efficacité d'une intervention précoce en matière de lutte contre les maladies. Nous avons développé ce type de capacité et le sens de l'urgence au sein du système de santé mondial. »

Réitérant l'importance de la détection précoce et de la documentation des cas, Al-Angari a déclaré : « Les systèmes de santé mondiaux se sont développés de manière accrue après la récente pandémie en matière de collecte de données, de surveillance et de systèmes de suivi. 

« Dans ce contexte, la recherche des contacts est indispensable pour empêcher l'introduction prochaine du virus dans de nouvelles populations. »

« Bien que cela ne soit peut-être pas nécessaire maintenant, l'utilisation de systèmes tels que l'application Tawakkalna pourrait être envisagée à un moment donné. »

L'Autorité saoudienne des données et de l'intelligence artificielle a développé Tawakkalna pour soutenir les efforts du gouvernement face au Covid-19 en gérant le processus d'octroi des autorisations de sortie du domicile pendant la phase de confinement, ce qui a contribué à limiter la propagation du virus. 

En juin, l'application a reçu le prix du service public 2022 des Nations unies pour sa résilience institutionnelle et ses réponses innovantes à la pandémie.

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Le Royaume comprend l'efficacité de l'intervention précoce en matière de contrôle des maladies, selon le Dr Abdulaziz Al-Angari, professeur adjoint d'épidémiologie à la KSAU-HS (Photo, Fournie).

La demande de voyages ayant explosé après l'assouplissement des restrictions liées au Covid-19, Al-Angari a souligné l'importance de surveiller les points d'entrée. 

« Comme le virus (de la variole du singe) se transmet d'homme à homme, toutes les dispositions nécessaires doivent être mises en œuvre », a-t-il déclaré.

« L'activation des caméras thermiques est nécessaire à tout moment, non seulement pour cette maladie mais pour toutes celles à venir, et le dépistage sanitaire aléatoire des personnes qui sont en contact avec les animaux sur une base régulière est important pour prévenir les zoonoses. »

Tout comme aux premiers jours du Covid-19, les caméras infrarouges placées dans les halls d'arrivée des aéroports font partie intégrante du processus de surveillance syndromique - un processus de collecte, d'analyse et d'interprétation des données relatives à la santé afin de lancer une alerte rapide en cas de menaces sanitaires.

« Dès qu'une caméra détecte l'un des symptômes de la maladie (comme une température corporelle élevée), le cas est isolé à l'aéroport, et dans le cadre des mesures préventives de l'Arabie saoudite, d'autres personnes qui auraient pu être exposées au cas doivent également être testées », a déclaré Albali.

« C'est ainsi que les cas ont été détectés, et une enquête a été lancée par la suite, sans qu'aucun autre cas ne soit recensé à ce jour. »

Au-delà de la surveillance, selon Albali, les autorités sanitaires doivent fournir des informations et des directives suffisantes aux voyageurs qui se rendent dans des pays considérés comme des points chauds pour la variole du singe.

« La principale leçon tirée de la pandémie de Covid-19 est une sensibilisation pointue de la communauté au virus et aux moyens de se protéger », a-t-il poursuivi.

« La même règle s'applique maintenant à l'épidémie actuelle, même si elle pointe tout juste le bout du nez sur nos côtes en Arabie saoudite, et avec la stratégie de communication transparente des autorités sanitaires, le niveau de sensibilisation continuera à augmenter et à protéger davantage la communauté contre de futures épidémies. » 

Une campagne de vaccination contre la variole du singe a été lancée aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Danemark, en Espagne, en Allemagne, en France et au Canada, entre autres.

Cependant, il est peu probable que le vaccin soit distribué en Arabie saoudite, à moins qu'il ne soit nécessaire de protéger les plus vulnérables, comme les enfants, les personnes âgées et les personnes immunodéprimées. 

« Les vaccins peuvent être administrés », a précisé Al-Angari. « Cependant, je n’en vois pas l’urgence puisque ce n'est pas une menace actuelle, du moins pas dans cette région. »

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 


La Première ministre italienne rend visite au personnel de la Finul au Liban

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  • Najib Mikati et Giorgia Meloni ont échangé sur les efforts déployés pour réduire les tensions dans la région, alors que le bilan des victimes des frappes israéliennes continue d’augmenter
  • Les sirènes ont retenti à deux reprises au quartier général de la Finul à Naqoura durant la visite de la Première ministre italienne dans le sud

BEYROUTH: Le Premier ministre sortant, Najib Mikati, réaffirme l'engagement du Liban à mettre pleinement en œuvre toutes les résolutions internationales, notamment la résolution 1701 du Conseil de sécurité des nations unies, adoptée en 2006 pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hezbollah cette même année.

Il souligne également la nécessité pour Israël de respecter pleinement ces résolutions et de cesser ses violations de la souveraineté du Liban.

M. Mikati a fait ces remarques lors de la réception de la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, à Beyrouth.

Jeudi, Mme Meloni a rendu visite au contingent italien au quartier général de la Force intérimaire des nations unies au Liban (Finul), dans le village de Chamaa, et elle a exprimé sa gratitude aux troupes pour leurs services.

Le contingent italien est l'une des plus importantes unités militaires de la Finul dans le sud du Liban.

La visite de Giorgia Meloni a duré vingt-quatre heures, pendant lesquelles les tensions se sont considérablement accrues dans le sud du Liban en raison des derniers développements militaires.

Les sirènes ont retenti à deux reprises au quartier général de la Finul à Naqoura alors que la Première ministre italienne était dans le sud.

Le maire de Chamaa, Abdel Kader Safieddine, a déclaré que la visite se limitait à «une réunion militaire interne avec le chef de l'unité italienne et le général de la brigade alpine de Taurinense».

Il a informé Arab News que «compte tenu de la situation actuelle, aucune réception n'a été organisée».

Les entretiens entre Mme Meloni et M. Mikati ont eu lieu mercredi soir. Selon un communiqué publié par son bureau, Najib Mikati «a réitéré l'engagement du Liban à la pleine mise en œuvre de toutes les résolutions internationales relatives à la région et au Liban, en particulier la résolution 1701 du Conseil de sécurité des nations unies».

M. Mikati a rappelé qu'Israël devait également s'engager à respecter pleinement les résolutions de l'ONU et à cesser ses attaques terrestres, maritimes et aériennes contre la souveraineté du Liban.

Les deux parties «ont exprimé leur satisfaction concernant la résolution 2728 du Conseil de sécurité des nations unies, qui appelle à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza pendant le mois sacré du ramadan, espérant qu'il se transformera en un cessez-le-feu durable».

L'arrivée de Giorgia Meloni à Beyrouth mercredi soir a coïncidé avec une escalade sanglante de la part d'Israël.

La Maison-Blanche a appelé Israël et le Liban à accorder une priorité absolue au rétablissement du calme, alors que le bilan des frappes aériennes israéliennes mercredi dans le sud du Liban s'élevait à seize morts, dont plusieurs militants et membres de groupes paramédicaux.

«Le rétablissement du calme le long de cette frontière reste une priorité absolue pour le président Biden et pour son administration et nous pensons qu'il doit également être d'une importance primordiale pour le Liban et Israël», a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, à Washington.

Le sous-secrétaire d'État adjoint américain, Ethan Goldrich, est arrivé à Beyrouth et il a rencontré le ministre sortant des Affaires étrangères, Abdallah Bou Habib, accompagné de l'ambassadrice Lisa Jones.

M. Goldrich a souligné «la nécessité de soutenir les initiatives diplomatiques visant à rétablir la stabilité dans le sud et dans la région».

M. Bou Habib a assuré à Joanna Wronecka, la Coordinatrice spéciale des nations unies pour le Liban, que «le Liban continuera à œuvrer pour la pleine mise en œuvre de la résolution 1701, car il s’agit du meilleur moyen pour parvenir à la stabilité souhaitée».

Cette résolution appelle notamment au retrait des forces israéliennes du Liban et au désarmement des groupes armés, y compris le Hezbollah.

Après le massacre d'Al-Habbaryeh le matin même, l'armée israélienne a perpétré deux autres massacres à Naqoura et à Tayr Harfa.

Le Hezbollah et le mouvement Amal ont présenté leurs condoléances aux familles des victimes dans des déclarations publiées jeudi.

Plusieurs blessés, dont une femme, ont été transportés vers des hôpitaux de la ville de Tyr pour recevoir des soins, tandis que les cours étaient bondées de résidents et de donneurs de sang.

Le Hezbollah a riposté aux attaques israéliennes jeudi matin en prenant pour cible les colonies de Goren et de Shlomi avec des missiles et des tirs d'artillerie.

Le groupe a déclaré avoir visé le quartier général nouvellement établi du bataillon Liman avec des obus d'artillerie.

Dans le même temps, la Société de radiodiffusion publique israélienne a cité un responsable israélien affirmant que «l'armée israélienne entrera au Liban après l'achèvement de l'opération de Rafah».

De son côté, le chef du commandement nord israélien, Uri Gordin, a annoncé mercredi que «les forces israéliennes étaient prêtes à agir à la frontière libanaise».


Guerre au Soudan: l'arrêt d'un oléoduc menace d'ébranler le fragile Soudan du Sud

Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
Des combattants du Mouvement de libération du Soudan, un groupe rebelle soudanais actif dans l'État du Darfour, qui soutient le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhan, assistent à une cérémonie de remise de diplômes dans l'État de Gedaref, dans le sud-est du pays, le 28 mars 2024. (AFP).
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  • L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays
  • La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien

JUBA: L'arrêt d'un oléoduc stratégique dans le Soudan en guerre menace de déstabiliser son voisin sud-soudanais, privé de revenus pétroliers cruciaux pour la gestion du pays, l'un des plus pauvres au monde en proie à l'instabilité et aux violences politico-ethniques chroniques, estiment des experts.

La nouvelle a filtré avec la révélation d'un courrier daté du 16 mars adressé par le ministre soudanais de l'Energie et du Pétrole à ses partenaires chinois et malaisien, annonçant qu'"une rupture majeure" avait été constatée dans l'oléoduc transportant du pétrole brut depuis le Soudan du Sud jusqu'à la ville soudanaise de Port-Soudan.

Cette "rupture", qui remonte à février, a eu lieu dans une "zone d'opérations militaires" du conflit qui oppose depuis le 15 avril 2023 l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane aux Forces de soutien rapide (FSR, paramilitaires) du général Mohammed Hamdane Daglo, précise la lettre consultée par l'AFP.

"La résolution de ces problèmes est compliquée par les conditions de guerre actuelles" et "en tant que tel, le gouvernement du Soudan déclare un cas de force majeure qui nous empêche de remplir notre obligation de livrer du pétrole brut dans et via" l'oléoduc, concluait le ministre.

La "force majeure" consiste en une circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne touchée, qui l'empêche d'honorer un contrat.

Le gouvernement sud-soudanais est jusqu'à présent resté silencieux sur cet épisode, qui vient pourtant ébranler le fragile équilibre du pays.

Le secteur pétrolier contribue à 90% de ses revenus et représente quasiment l'intégralité de ses exportations, selon la Banque mondiale.

« Crise économique imminente »

Mardi, le député Boutros Magaya, chef de la sous-commission parlementaire sur le pétrole, a sonné l'alarme.

"Nous sommes confrontés à une crise économique imminente à la suite de la récente déclaration de force majeure et l'arrêt de l'oléoduc par le gouvernement soudanais", a-t-il alerté dans un communiqué, faisant état d'informations indiquant que "cette fermeture pourrait s'étendre sur une période d'un an".

"Avec la perte de la majorité de notre revenu national, nous sommes confrontés à la sombre perspective d'un désastre humanitaire, d'une instabilité politique et de troubles de la sécurité dans notre État déjà fragile", ajoute-t-il.

Selon M. Magaya, la perte pourrait s'élever à au moins 100 millions de dollars par mois (92 millions d'euros).

"Cela entraînera d'importantes pertes de revenus, une augmentation des prix du marché, des pénuries de carburant, des pannes d'électricité prolongées, des perturbations dans les transports et d'autres services essentiels vitaux pour le bien-être de nos citoyens", insiste-t-il.

Cela pourrait également mener à une dépréciation de la monnaie, la livre sud-soudanaise, souligne le directeur du département d'économie de l'Université de Juba, Akol Maduok: "La situation va s'aggraver dans les deux ou trois prochains mois parce que la banque centrale pourrait manquer de réserves de change et ne pas être en mesure d'approvisionner le marché en devises fortes".

Cet épisode est une nouvelle conséquence du conflit chez le voisin soudanais, qui a fait des milliers de morts et contraint huit millions de personnes à fuir depuis un an.

Plus de 500.000 d'entre eux ont trouvé refuge au Soudan du Sud, venant aggraver une situation humanitaire déjà dramatique.

Environ 9 millions de personnes ont besoin d'assistance dans le pays, selon l'agence humanitaire de l'ONU.

Elections menacées 

Plus largement, c'est la stabilité du pays qui est menacée, prévient Boboya James Edimond, directeur exécutif de l'Institut pour la politique et la recherche sociale (ISPR), centre de réflexion basé à Juba, la capitale sud-soudanaise.

"Le gouvernement n'a pas été en mesure de payer les salaires des fonctionnaires depuis près de neuf mois quand le pétrole circulait", souligne-t-il, évoquant un scénario alarmiste: "Si le pétrole ne circule pas, il y aura un effondrement du gouvernement qui pourrait amener les citoyens à manifester et les militaires (qui n'ont pas non plus été payés depuis des mois, ndlr) sont susceptibles de les rejoindre".

La manne pétrolière est aussi très largement détournée à des fins politiques et d'enrichissement dans ce pays classé parmi les plus touchés par la corruption par l'ONG Transparency International (177e sur 180).

Alors que le pays doit tenir en décembre des élections déjà repoussées à plusieurs reprises, l'absence de ressources pour les organiser rend "très probable" l'hypothèse d'un nouveau report, estime Andrew Smith, analyste pour l'Afrique au cabinet de conseil en évaluation des risques Verisk Maplecroft.

"Tous les fonds qu'il (le gouvernement) recevra pour combler le déficit des revenus pétroliers seront désormais probablement destinés à apaiser l'élite politique, et non aux préparatifs électoraux qui manquaient déjà de ressources", estime-t-il.


Turquie: la reconquête d'Istanbul, obsession d'Erdogan

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994. (AFP).
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  • En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville
  • "Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaréM. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars

ISTANBUL: Reconquérir Istanbul, "le joyau de la nation" qui l'a fait roi, obsède le président turc Recep Tayyip Erdogan qui en fut le maire dans les années 1990 et assigne trente ans plus tard à son parti la mission de l'arracher dimanche à l'opposition.

En 2019, après un scrutin annulé puis reprogrammé, Ekrem Imamoglu, candidat d'une coalition de partis d'opposition, avait remporté la ville, infligeant son pire revers électoral au chef de l'Etat, qui tenait la capitale économique de la Turquie dans son escarcelle depuis 1994.

"Istanbul est le joyau, le trésor, la prunelle des yeux de notre nation", a déclaré M. Erdogan lors d'un meeting dans la ville à sept jours des élections municipales du 31 mars.

Au soir de sa réélection à la tête de la Turquie en mai dernier, le "Reis" ("Chef"), surnom qui remonte à ses années de maire d'Istanbul (1994-1998), avait dès son discours de victoire lancé la campagne des municipales.

"Sommes-nous prêts à remporter Istanbul ?", avait-il demandé à une foule enthousiaste, juché sur un bus devant sa résidence sur la rive asiatique de la ville.

A deux jours du scrutin, la reconquête d'Istanbul par son Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) apparaît comme l'enjeu ultradominant de ces municipales.

Le sondeur Erman Bakirci, de l'institut Konda, résume en un dicton l'importance de la ville, sise de part et d'autre du Bosphore, et qui représente à elle seule 30% du PIB du pays: "L'hiver n'arrive en Turquie que lorsqu'il neige à Istanbul", dit-il, rappelant la formule du président Erdogan selon laquelle "qui remporte Istanbul remporte la Turquie".

"Lorsque vous gouvernez Istanbul, vous servez et touchez près de seize millions de personnes, dont onze millions d'électeurs", développe-t-il. "Cela vous offre une opportunité politique énorme."