BERLIN : Le gouvernement d'Olaf Scholz va injecter des milliards d'euros pour sauver l'un des géants allemands de l'énergie, Uniper, asphyxié par les coupures de gaz russe, et promet un bouclier tarifaire aux ménages frappés par la crise énergétique.
"Uniper est une entreprise d'une importance capitale" pour le pays, a déclaré le chancelier allemand vendredi pour justifier cette nouvelle intervention massive de l'Etat qui va débourser jusqu'à 15 milliards d'euros.
Principales mesures du plan de sauvetage: l'entrée de l'État au capital du groupe à hauteur de 30% et une émission d'obligations convertibles en actions pour un montant pouvant atteindre 7,7 milliards d'euros.
Pour éviter la faillite, en attendant que ces fonds soient disponibles, Uniper voit sa facilité de crédit passer de 2 à 9 milliards d'euros via la banque publique KfW.
La béquille publique est devenue indispensable à cause de "la pénurie d'énergie créée artificiellement par la Russie", a accusé le ministre de l'Economie Robert Habeck.
Uniper, premier importateur et stockeur de gaz en Allemagne, est frappé de plein fouet par la baisse depuis mi-juin des livraisons de gaz russe.
Les contribuables vont également devoir mettre la main au portefeuille: Berlin va autoriser Uniper à répercuter les hausses du prix du gaz à ses clients.
Leur facture énergétique risque de s'envoler, a admis M. Scholz. Il a assuré que son gouvernement ferait "tout, aussi longtemps que nécessaire", pour surmonter cette crise énergétique.
Interrompant ses vacances pour une allocution à la chancellerie, le dirigeant a promis que l'État dégainerait prochainement un nouveau paquet de soutien aux ménages, encore non chiffré, et augmenterait les aides au logement.
L'Allemagne a déjà débloqué plus de 30 milliards d'euros pour le pouvoir d'achat face notamment aux répercussions de la guerre en Ukraine.
Pertes en milliard
Arguant de l'absence d'une turbine, le géant russe Gazprom a réduit de 60% ses livraisons via le gazoduc Nord Stream, indispensable pour l'approvisionnement de l'Allemagne.
Uniper doit désormais, pour honorer ses contrats, se procurer du gaz sur le marché au comptant où les prix ont explosé.
Résultat: le groupe allemand, qui emploie près de 12.000 salariés dans le monde, va perdre "plus de 6 milliards d'euros" entre juin et septembre, a expliqué à la presse son patron Klaus-Dieter Maubach.
Des centaines de services publics municipaux et fournisseurs d'énergie allemands sont clients d'Uniper.
Lorsque les prix seront répercutés aux clients à partir d'octobre, les charges supplémentaires pourront "s'élever à 200 ou 300 euros par an pour une famille de quatre personnes", a prévenu Olaf Scholz.
Mais l'État sera là, a-t-il assuré. "You'll Never Walk Alone" (tu ne marcheras jamais seul), a répété à plusieurs reprises le chancelier reprenant le titre de cet hymne cher à de nombreux fans de football.
Olaf Scholz s'était engagé à empêcher une faillite d'Uniper qui menacerait, par effet domino, de disloquer le marché énergétique et d'entraîner des pénuries.
Budget compromis
M. Scholz et son gouvernement agitent depuis plusieurs semaines le spectre d'un "Lehman Brothers" de l'énergie, en référence à la banque américaine dont la faillite avait précipité la grande crise financière de 2008 aux États-Unis et dans le monde.
Mais les discussions pour sauver Uniper ont été âpres avec l'actionnaire majoritaire du groupe, Fortum, détenu par l'État finlandais.
Ce dernier plaidait pour le transfert des activités menacées dans une entité distincte, aboutissant à un démantèlement du groupe. Berlin demandait de son côté à Fortum de participer au sauvetage.
Le renflouement d'Uniper et la prochaine enveloppe d'aides aux ménages risquent de compliquer le retour de l'Allemagne à la discipline budgétaire, promis pour 2023.
L'Allemagne a fait sauter ses strictes règles financières pendant la pandémie de coronavirus pour aider particuliers et entreprises. L'État était ainsi entré à hauteur de 20% au capital de Lufthansa.
Et depuis le début de la guerre en Ukraine, ce n'est pas la première fois qu'il doit venir au secours du secteur de l'énergie. Début avril, le gouvernement a pris le contrôle de la filiale allemande du groupe Gazprom qui exploite des installations de stockage et de transport de gaz vitales pour l'Allemagne.
Là encore, une aide de 9 à 10 milliards d'euros, via la banque publique KfW, a dû être débloquée.