La vaccination obligatoire, un pas de trop?

Les antivaccins constituent une minorité, tandis que la grande majorité des gens à travers le monde répondent aux appels à la vaccination. (AFP)
Les antivaccins constituent une minorité, tandis que la grande majorité des gens à travers le monde répondent aux appels à la vaccination. (AFP)
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Publié le Samedi 18 décembre 2021

La vaccination obligatoire, un pas de trop?

La vaccination obligatoire, un pas de trop?
  • Au-delà des effets sanitaires directs causés par les antivaccins, il existe des problèmes de plus grande envergure pour les économies et les sociétés
  • La société devrait être plus exigeante avec ceux qui ne sont pas vaccinés et qui enfreignent les règles en matière de port du masque ou de fréquentation de lieux publics

Aux grands maux les grands remèdes. Il faut cependant espérer que les effets secondaires des mesures prises n’aggravent pas la situation d’origine. Un sentiment aigu de désespoir règne au sein des sociétés et des gouvernements dans leur désir d’éradiquer la Covid-19. En effet, l’idée de la vaccination obligatoire, qui aurait été considérée comme tabou dans toute société libre il y a quelques mois à peine, est de plus en plus répandue.

Certes, le principe directeur est que personne ne devrait être physiquement contraint de se faire vacciner et que nous reconnaissons à chacun le droit de ne pas subir de traitement médical non consensuel. Si la société s’écarte de ce principe, nous pourrions aboutir au totalitarisme.

Cependant, il faudrait que cette théorie soit en harmonie avec le droit universel à «la santé et au bien-être d’une personne et de sa famille», tel qu’énoncé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ce droit est aujourd’hui compromis par les personnes opposées aux vaccins, dans toutes leurs nuances de populisme, de paranoïa et d’influence pernicieuse, et contre tout avis scientifique.

Si l'opposition à la vaccination ne concernait que les personnes qui refusent les vaccins contre la Covid-19, leur décision pourrait être respectée sans réticence, même si ce serait regrettable de les voir tomber malades, souffrir d’une maladie de longue durée ou, Dieu nous en préserve, en mourir.

Mais il n’est pas uniquement question d’atteinte à soi-même, car lesdits vaccins sont efficaces non seulement pour réduire le risque de contracter la Covid-19 mais aussi de la propager. En d’autres termes, être vacciné protège les autres, y compris nos proches, ainsi que nous-mêmes. Par conséquent, à la lumière des preuves scientifiques irréfutables de l’innocuité des vaccins, le refus de se faire vacciner est une forme grave de comportement antisocial, souvent provoqué par des rebelles aux motivations confuses et cyniques qui perturbent efficacement la société en exploitant le côté obscur des réseaux sociaux, ainsi que les peurs inhérentes à l’être humain et la méfiance à l’égard du gouvernement.

Mais lutter contre la souffrance humaine par la vaccination ne suffit pas. Il est également nécessaire d’éviter la pression sur les systèmes de santé nationaux qui travaillent d’arrache-pied depuis deux ans, au-delà de leurs capacités organisationnelles et, plus encore, humaines. Les équipes médicales, surchargées dans le meilleur des cas, ont dû faire face à des conditions incroyablement stressantes, mettant en danger leurs vies et celles de leurs patients. Éviter de nouvelles vagues d’épidémies est essentiel pour les systèmes de santé du monde entier, afin qu’ils puissent à nouveau fournir des traitements – notamment des interventions capables de sauver des vies – qui ont été reportés en raison de la pandémie.

Au-delà des effets sanitaires directs causés par les antivaccins, il existe des problèmes de plus grande envergure pour les économies et les sociétés. L’augmentation des cas de Covid-19 entraînera inévitablement plus de restrictions sur les entreprises qui ont déjà énormément souffert; sans parler des répercussions dévastatrices sur l’éducation des générations futures et du retentissement psychique sur les jeunes.

Les confinements répétés auront forcément une incidence sur nos interactions sociales, nos conditions économiques et notre bien-être – et c’est là que le développement de nouveaux vaccins plus efficaces et mieux adaptés aux nouveaux variants du virus, ainsi que de meilleures campagnes de vaccination, doivent jouer un rôle crucial.

«Éviter de nouvelles vagues d’épidémies est essentiel pour les systèmes de santé du monde entier, afin qu’ils puissent à nouveau fournir des traitements – notamment des interventions capables de sauver des vies – qui ont été reportés en raison de la pandémie.» – Yossi Mekelberg

Bien qu’ils persistent à s’exprimer haut et fort, les antivaccins constituent une minorité, tandis que la grande majorité des gens à travers le monde répondent aux appels à la vaccination. Pourtant, étant donné que «personne n’est en sécurité tant que tout le monde n’est pas en sécurité», il faudrait trouver une solution pour lutter contre le refus de se faire vacciner. La première étape doit être une campagne implacable pour contrer tous les «arguments» non fondés qui sapent la volonté de vacciner l’ensemble de la population, étayée par des preuves scientifiques complètes et transparentes.

Deuxièmement, il faudrait faire pression sur les contributeurs de réseaux sociaux pour restreindre la propagande antivaccin nuisible, non pas pour freiner les débats ou les préoccupations légitimes, mais pour arrêter la propagation de théories du complot sans fondement. Troisièmement, et de manière plus controversée, des mesures doivent être prises contre ceux qui s’obstinent à ne pas vouloir se faire vacciner.

Certes, ils ne forment pas un groupe monolithique. Certains ont une peur bleue de tout traitement médical ou des piqûres. Ces personnes ont plus besoin de soins que de sanctions. Mais les adeptes de la théorie du complot et les imprudents nécessitent une approche plus proactive et déterminée pour les inciter à se faire vacciner.

La vaccination obligatoire ne signifie pas que le personnel médical, avec l’aide de la police, va arrêter les antivaccins et leur administrer le vaccin contre leur gré. Il s’agit plutôt d’imposer des sanctions, comme les empêcher de participer à des activités sociales où ils pourraient mettre la vie d’autres personnes en danger.

Par conséquent, faire des passes sanitaires une condition sine qua non pour assister à des rassemblements publics n’est pas une exigence déraisonnable en période de crise sanitaire aussi grave. En faire une condition indispensable pour travailler dans les hôpitaux, les maisons de soins, les écoles ou tout autre environnement qui mettrait d’autres personnes en danger n’est pas un acte antidémocratique, mais simplement un acte de responsabilité sociale envers les autres.

Imposer une amende à ceux qui s’opposent à la vaccination pourrait être une mesure plus problématique, surtout s’il ne s’agit pas d’amende progressive, comme cela a été suggéré dans certains pays. Les personnes victimes des mensonges sur les vaccins proviennent des catégories les plus pauvres de nos sociétés et toute suggestion de sanction pécuniaire devrait être proportionnelle et plus lourdement imposée à ceux qui répandent les mensonges, plutôt qu’aux crédules qui se laissent facilement berner.

En revanche, la société devrait être plus exigeante avec ceux qui ne sont pas vaccinés et qui enfreignent les règles en ce qui concerne le port du masque ou la fréquentation de lieux publics réservés aux personnes vaccinées ou exemptées.

Cette pandémie provoque une situation de guerre. Elle tue des millions de personnes et elle provoque une souffrance énorme et généralisée. Elle aura des répercussions sur presque tous les aspects de notre existence pendant des décennies. Il est donc inconcevable que les sociétés permettent aux antivaccins d’entraver cette bataille atroce et colossale pour restaurer une vie normale après toutes les douleurs et les sacrifices qui ont déjà été concédés à cette terrible maladie.

C’est pourquoi des décisions difficiles doivent être prises sur la manière d’encourager les antivaccins à revoir leur approche, sans pour autant porter atteinte à nos libertés fondamentales sur le long terme.

 

Yossi Mekelberg est professeur de relations internationales et membre associé dans le Programme de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Mena) à Chatham House. Il collabore régulièrement avec les médias internationaux écrits et en ligne.

 Twitter: @Ymekelberg

 NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com