La bataille du Nil
Quelles seront les répercussions sur l'Égypte lorsque l'Éthiopie remplira le réservoir du Gerd ?
L'Éthiopie n'en demande pas trop... pendant des années, le peuple éthiopien a été privé de son droit d'utiliser cette ressource pour s'extirper d'une pauvreté abjecte.
Alors que nous soutenons le droit de l'Éthiopie au développement et le besoin d'énergie, nous demandons une compréhension éthiopienne des besoins égyptiens en eau qui représentent la vie de notre peuple, sans exagération.
Le barrage apporte beaucoup d'avantages... mais pour que ces avantages se matérialisent, nous devons parvenir à un accord contraignant... Sans cela, nous serions toujours à la merci de l'Éthiopie pour y accéder.
Cet été, l'Égypte perdra le contrôle du Nil.
Il y a déjà plus de dix ans, l'Éthiopie a communiqué par surprise qu'elle prévoyait de construire le plus grand barrage d'Afrique sur le Nil Bleu, source de la majeure partie de l'eau douce de l'Égypte.
À cette époque, alors que l’Égypte était secouée par des bouleversements sociaux et politiques, les travaux du barrage ont débuté presque immédiatement.
Depuis, cette perspective a surgi comme une menace existentielle pour l'Égypte, pays créé par les eaux et totalement dépendant d’elles, sources de vie, qui ont coulé des hauts plateaux éthiopiens depuis des temps immémoriaux.
"L'Égypte souffre quoi qu'il en soit"
Aujourd’hui, cette perspective est en passe de devenir une réalité. La construction du très controversé grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Gerd) est presque terminée, et avec les pluies estivales attendues, le remplissage de son réservoir est sur le point de commencer concrètement.
Rien n'est plus important pour l'Égypte que le Nil, qui fait partie de l’histoire, de l'économie, et de l’esprit profond de ce pays qui est, comme l'a souligné l'historien grec du Vᵉ siècle Hérodote, «le don du Nil». C'est la générosité de ce fleuve puissant qui a permis à la civilisation égyptienne de prendre racine le long de ses rives, et de s'épanouir dans les sols fertiles du delta du Nil, régénérés chaque année par le riche limon déposé par les crues saisonnières du fleuve.
"Sans le Nil, il n'y a pas de pays"
Le Nil est alimenté par deux principaux affluents, le Nil Blanc et le Nil Bleu, qui se rencontrent à Khartoum au Soudan, voisin immédiat du sud de l'Égypte. Le Nil Bleu, qui prend sa source dans le lac Tana en Éthiopie, est la source de 80% de l'eau qui traverse le Soudan et se déverse en Égypte.
Les débats qui ont fait rage au cours de la dernière décennie, et l'échec de l'Éthiopie, de l'Égypte et du Soudan à parvenir à un accord sur la façon de remplir et d’exploiter ce vaste barrage hydroélectrique, font désormais partie du passé. La question immédiate et cruciale est de savoir à quelle vitesse l'Éthiopie remplira le réservoir.
"Le haut barrage d'Assouan sera comme un malade"
Une fois plein, le réservoir du Gerd contiendra 74 milliards de m3 (BCM) d'eau, soit près de la moitié des 55 BCM que l'Égypte reçoit actuellement du Nil chaque année. Remplissez-le trop rapidement, dit Le Caire, et l'Égypte sera privée d'eau, dévastant son secteur agricole vital, perturbant son économie, la laissant à court de nourriture, et condamnant des millions de personnes au chômage. Le Caire craint également que, si le niveau d'eau du lac Nasser venait à baisser de manière importante, la quantité d'électricité produite par les turbines hydroélectriques du haut barrage d'Assouan se retrouverait considérablement réduite.
L'Égypte a exigé, afin de réduire l'impact du remplissage sur son territoire et sur le Soudan, que l'Éthiopie remplisse progressivement le réservoir sur une durée de douze ans, voire de vingt ans, selon la quantité de précipitations annuelles.
L'Éthiopie, quant à elle, cherche désespérément à remplir le réservoir du Gerd le plus rapidement possible, ce qui lui permettrait notamment un retour sur investissement de 4 milliards de dollars (environ 3,3 milliards d’euros) d'ici à cinq ou sept ans, selon le volume des pluies saisonnières.
“Il doit y avoir un débit minimum garanti pour l'Égypte”
Cet été, l'Égypte perdra le contrôle du Nil.
Il y a déjà plus de dix ans, l'Éthiopie a communiqué par surprise qu'elle prévoyait de construire le plus grand barrage d'Afrique sur le Nil Bleu, source de la majeure partie de l'eau douce de l'Égypte.
À cette époque, alors que l’Égypte était secouée par des bouleversements sociaux et politiques, les travaux du barrage ont débuté presque immédiatement.
Depuis, cette perspective a surgi comme une menace existentielle pour l'Égypte, pays créé par les eaux et totalement dépendant d’elles, sources de vie, qui ont coulé des hauts plateaux éthiopiens depuis des temps immémoriaux.
“L'Égypte souffre quoi qu'il en soit”
Aujourd’hui, cette perspective est en passe de devenir une réalité. La construction du très controversé grand barrage de la Renaissance éthiopienne (Gerd) est presque terminée, et avec les pluies estivales attendues, le remplissage de son réservoir est sur le point de commencer concrètement.
Rien n'est plus important pour l'Égypte que le Nil, qui fait partie de l’histoire, de l'économie, et de l’esprit profond de ce pays qui est, comme l'a souligné l'historien grec du Vᵉ siècle Hérodote, «le don du Nil». C'est la générosité de ce fleuve puissant qui a permis à la civilisation égyptienne de prendre racine le long de ses rives, et de s'épanouir dans les sols fertiles du delta du Nil, régénérés chaque année par le riche limon déposé par les crues saisonnières du fleuve.
“Sans le Nil, il n'y a pas de pays”
Le Nil est alimenté par deux principaux affluents, le Nil Blanc et le Nil Bleu, qui se rencontrent à Khartoum au Soudan, voisin immédiat du sud de l'Égypte. Le Nil Bleu, qui prend sa source dans le lac Tana en Éthiopie, est la source de 80% de l'eau qui traverse le Soudan et se déverse en Égypte.
Les débats qui ont fait rage au cours de la dernière décennie, et l'échec de l'Éthiopie, de l'Égypte et du Soudan à parvenir à un accord sur la façon de remplir et d’exploiter ce vaste barrage hydroélectrique, font désormais partie du passé. La question immédiate et cruciale est de savoir à quelle vitesse l'Éthiopie remplira le réservoir.
“Le haut barrage d'Assouan sera comme un malade”
Une fois plein, le réservoir du Gerd contiendra 74 milliards de m3 (BCM) d'eau, soit près de la moitié des 55 BCM que l'Égypte reçoit actuellement du Nil chaque année. Remplissez-le trop rapidement, dit Le Caire, et l'Égypte sera privée d'eau, dévastant son secteur agricole vital, perturbant son économie, la laissant à court de nourriture, et condamnant des millions de personnes au chômage. Le Caire craint également que, si le niveau d'eau du lac Nasser venait à baisser de manière importante, la quantité d'électricité produite par les turbines hydroélectriques du haut barrage d'Assouan se retrouverait considérablement réduite.
L'Égypte a exigé, afin de réduire l'impact du remplissage sur son territoire et sur le Soudan, que l'Éthiopie remplisse progressivement le réservoir sur une durée de douze ans, voire de vingt ans, selon la quantité de précipitations annuelles.
L'Éthiopie, quant à elle, cherche désespérément à remplir le réservoir du Gerd le plus rapidement possible, ce qui lui permettrait notamment un retour sur investissement de 4 milliards de dollars (environ 3,3 milliards d’euros) d'ici à cinq ou sept ans, selon le volume des pluies saisonnières.
“Il doit y avoir un débit minimum garanti pour l'Égypte”
Elle semble être sur la bonne voie pour remplir rapidement le réservoir. Durant l'été 2020, le barrage a retenu 4,9 BCM du débit annuel du Nil Bleu – seulement 6,6% de la capacité totale du réservoir – afin de tester deux de ses seize turbines de production d'électricité. Cette année cependant, alors que le remplissage du réservoir commence sérieusement, l'Éthiopie a annoncé son intention de retenir 13,5 BCM supplémentaires, portant le total compris dans le réservoir à près de 25% de sa capacité totale. Si le remplissage se poursuit au même rythme annuel, le réservoir sera totalement plein dans seulement quatre ans – d'ici à la fin de la saison des pluies de 2025.
“L'eau pour l'Éthiopie, c’est comme le pétrole au Moyen-Orient”
Pour les Éthiopiens, le barrage est un symbole d'espoir, de fierté, et d'un avenir meilleur. La moitié des 112 millions d'habitants du pays n'ont pas accès à l'électricité, et dépendent toujours de la combustion du bois pour se chauffer, cuisiner et s'éclairer. À pleine capacité, le barrage hydroélectrique stimulera non seulement l'industrialisation nationale et révolutionnera le niveau de vie de millions de ses citoyens, mais il rapportera également au pays des revenus dont il a cruellement besoin, en tant qu'exportateur d'électricité pour la région.
L'importance du projet pour les Éthiopiens est devenue évidente lorsque le pays a eu du mal à trouver des bailleurs de fonds internationaux pour ce projet très ambitieux. Sans se laisser décourager, dans l'un des exercices de financement participatif les plus remarquables jamais vus, des millions d'Éthiopiens, dont beaucoup ayant peu ou pas d'argent – mais rêvant d'un avenir meilleur –, ont investi au cours de la dernière décennie dans des obligations émises par le gouvernement, visant à financer la construction du barrage.
“Les gens croient que ce barrage va métamorphoser leur vie”
C'est vraiment le barrage du peuple, comme l'affirment les utilisateurs des réseaux sociaux éthiopiens, qui ont compté à rebours avec enthousiasme jusqu'au remplissage du barrage cet été. Les hashtags tels que #ItsMyDam, («C’est mon barrage»), #FillTheDam («Remplissons le barrage»), et #EthiopiaNileRights («Droits de l’Éthiopie sur le Nil») se sont aussi multipliés.
Le Soudan, voisin immédiat en aval de l'Éthiopie, a moins d’appréhensions que l’Égypte en ce qui concerne le barrage. Il devrait bénéficier de l'électricité bon marché qui y sera produite, et reconnaît qu’il a le potentiel de mettre fin au cycle annuel d'inondations dévastatrices, qui représentent un fléau pour le pays, détruisant des vies et limitant son potentiel agricole. Avec la régulation du débit d'eau, les agriculteurs soudanais devraient pouvoir cultiver tout au long de l’année les riches terres qui bordent le Nil Bleu.
Le stockage en amont de grandes quantités d'eau pourrait également aider à alléger les souffrances lors des années sans pluie: l'Éthiopie a été frappée par des sécheresses dévastatrices, imputées à l'évolution des conditions météorologiques mondiales, en 2008, 2011 et, plus récemment, en 2015.
Néanmoins, faute d'accord avec l'Éthiopie sur l'exploitation du Gerd, le Soudan ne peut rien tenir pour acquis, et s'inquiète de l'impact possible sur son propre barrage hydroélectrique de Roseires, situé à seulement 115 kilomètres en aval. Il dépend autant du débit du Nil Bleu que le haut barrage égyptien d'Assouan pour la production d'électricité.
Le Soudan paierait également un prix élevé si le barrage subissait une défaillance catastrophique – possibilité évoquée dans plusieurs articles universitaires. Une étude récente, menée par des ingénieurs civils et hydrauliques égyptiens a mis en évidence «le risque élevé d'instabilité des sols» dans la zone du site du Gerd, qui est «situé sur l'une des plaques et failles tectoniques majeures du monde». Autour de cette faille, seize tremblements de terre d'une magnitude de 6,5 ou plus se sont produits en Éthiopie au cours du XXᵉ siècle.
À 250 kilomètres en aval du barrage de Roseires se trouve le barrage de Sennar au Soudan, construit à des fins d'irrigation dans les années 1920. L'étude égyptienne estime que, en cas de brèche dans le Gerd, l'inondation qui en résulterait submergerait le barrage de Sennar et inonderait les terres sur des centaines de kilomètres, jusqu’à l’extrême nord, dans la ville de Khartoum.
Elle semble être sur la bonne voie pour remplir rapidement le réservoir. Durant l'été 2020, le barrage a retenu 4,9 BCM du débit annuel du Nil Bleu – seulement 6,6% de la capacité totale du réservoir – afin de tester deux de ses seize turbines de production d'électricité. Cette année cependant, alors que le remplissage du réservoir commence sérieusement, l'Éthiopie a annoncé son intention de retenir 13,5 BCM supplémentaires, portant le total compris dans le réservoir à près de 25% de sa capacité totale. Si le remplissage se poursuit au même rythme annuel, le réservoir sera totalement plein dans seulement quatre ans – d'ici à la fin de la saison des pluies de 2025.
“L'eau pour l'Éthiopie, c’est comme le pétrole au Moyen-Orient”
Pour les Éthiopiens, le barrage est un symbole d'espoir, de fierté, et d'un avenir meilleur. La moitié des 112 millions d'habitants du pays n'ont pas accès à l'électricité, et dépendent toujours de la combustion du bois pour se chauffer, cuisiner et s'éclairer. À pleine capacité, le barrage hydroélectrique stimulera non seulement l'industrialisation nationale et révolutionnera le niveau de vie de millions de ses citoyens, mais il rapportera également au pays des revenus dont il a cruellement besoin, en tant qu'exportateur d'électricité pour la région.
L'importance du projet pour les Éthiopiens est devenue évidente lorsque le pays a eu du mal à trouver des bailleurs de fonds internationaux pour ce projet très ambitieux. Sans se laisser décourager, dans l'un des exercices de financement participatif les plus remarquables jamais vus, des millions d'Éthiopiens, dont beaucoup ayant peu ou pas d'argent – mais rêvant d'un avenir meilleur –, ont investi au cours de la dernière décennie dans des obligations émises par le gouvernement, visant à financer la construction du barrage.
“Les gens croient que ce barrage va métamorphoser leur vie”
C'est vraiment le barrage du peuple, comme l'affirment les utilisateurs des réseaux sociaux éthiopiens, qui ont compté à rebours avec enthousiasme jusqu'au remplissage du barrage cet été. Les hashtags tels que #ItsMyDam, («C’est mon barrage»), #FillTheDam («Remplissons le barrage»), et #EthiopiaNileRights («Droits de l’Éthiopie sur le Nil») se sont aussi multipliés.
Le Soudan, voisin immédiat en aval de l'Éthiopie, a moins d’appréhensions que l’Égypte en ce qui concerne le barrage. Il devrait bénéficier de l'électricité bon marché qui y sera produite, et reconnaît qu’il a le potentiel de mettre fin au cycle annuel d'inondations dévastatrices, qui représentent un fléau pour le pays, détruisant des vies et limitant son potentiel agricole. Avec la régulation du débit d'eau, les agriculteurs soudanais devraient pouvoir cultiver tout au long de l’année les riches terres qui bordent le Nil Bleu.
Le stockage en amont de grandes quantités d'eau pourrait également aider à alléger les souffrances lors des années sans pluie: l'Éthiopie a été frappée par des sécheresses dévastatrices, imputées à l'évolution des conditions météorologiques mondiales, en 2008, 2011 et, plus récemment, en 2015.
Néanmoins, faute d'accord avec l'Éthiopie sur l'exploitation du Gerd, le Soudan ne peut rien tenir pour acquis, et s'inquiète de l'impact possible sur son propre barrage hydroélectrique de Roseires, situé à seulement 115 kilomètres en aval. Il dépend autant du débit du Nil Bleu que le haut barrage égyptien d'Assouan pour la production d'électricité.
Le Soudan paierait également un prix élevé si le barrage subissait une défaillance catastrophique – possibilité évoquée dans plusieurs articles universitaires. Une étude récente, menée par des ingénieurs civils et hydrauliques égyptiens a mis en évidence «le risque élevé d'instabilité des sols» dans la zone du site du Gerd, qui est «situé sur l'une des plaques et failles tectoniques majeures du monde». Autour de cette faille, seize tremblements de terre d'une magnitude de 6,5 ou plus se sont produits en Éthiopie au cours du XXᵉ siècle.
À 250 kilomètres en aval du barrage de Roseires se trouve le barrage de Sennar au Soudan, construit à des fins d'irrigation dans les années 1920. L'étude égyptienne estime que, en cas de brèche dans le Gerd, l'inondation qui en résulterait submergerait le barrage de Sennar et inonderait les terres sur des centaines de kilomètres, jusqu’à l’extrême nord, dans la ville de Khartoum.
Certaines menaces que représente le Gerd sont moins évidentes mais non moins potentiellement dévastatrices. Le delta du Nil en Égypte, qui se situe en moyenne à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer sur la côte méditerranéenne, s'enfonce déjà lentement, en partie en raison du broyage incessant des plaques tectoniques, mais aussi d’une réduction de la quantité annuelle de sédiments déposés dans le delta. Les scientifiques attribuent cette perte de sédiments à la création du haut barrage d'Assouan en Égypte entre 1960 et 1970, prix payé pour la production d'électricité et la stabilisation de l'approvisionnement en eau. Des études récentes estiment cependant que ce problème sera «sérieusement amplifié» lorsque le Gerd entrera en fonction.
Au cours de la dernière décennie, malgré de nombreuses tentatives de négociations et de médiations, tous les efforts pour parvenir à un accord entre les trois pays sur les questions cruciales du remplissage et de l'exploitation du barrage ont échoué.
"Le cœur du problème est que les pays en aval veulent conserver le statu quo actuel"
Le Caire insiste: la décision de l'Éthiopie de prendre le contrôle du fleuve va à l'encontre des droits exclusifs accordés à l'Égypte sur les eaux du Nil par la Grande-Bretagne en 1929, et de ceux définis dans un second accord entre elle et le Soudan en 1959. L’Éthiopie, déterminée à accélérer son développement et à devenir un acteur régional important, affirme que de tels accords remontant à la période coloniale, excluant les neuf autres pays qui partagent aujourd'hui le bassin du Nil, n'ont plus de valeur aujourd’hui.
En l'absence d'accord, le spectre d'un conflit plane sur les négociations souvent interrompues, alors que la région reste en proie à une dangereuse impasse. En juin 2013, la réunion d’un groupe de politiciens égyptiens a été accidentellement diffusée en direct à la télévision. Ces derniers discutaient d’options militaires pour arrêter la poursuite de la construction du barrage lors d'une réunion avec le président de l'époque Mohammed Morsi. Les propositions évoquées allaient du soutien aux rebelles éthiopiens à l'envoi de forces spéciales pour détruire le barrage.
Plus récemment, le 2 mars, l'Égypte et le Soudan ont signé un accord de coopération militaire, ce que certains commentateurs ont interprété comme une évolution inquiétante. Quatre jours plus tard, dans un discours prononcé lors d'une visite à Khartoum, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi avait ainsi déclaré: «Nous rejetons la politique consistant à imposer le fait accompli, et à étendre le contrôle du Nil Bleu par des mesures unilatérales, sans prendre en compte les intérêts du Soudan et de l'Égypte.»
À la fin du mois de mars, le président égyptien a semblé faire monter encore les enchères. «L'eau de l'Égypte est une ligne rouge», a-t-il déclaré. «Personne ne peut prendre une seule goutte d'eau à notre pays.»
“L'impact sera encore plus important pendant les années sèches, ce qui nécessite une coopération entre les pays”
Pourtant, le barrage est désormais bel et bien une réalité, et l'Éthiopie s'est engagée à poursuivre le remplissage du réservoir au cours de la prochaine saison des pluies, avec ou sans l'accord de l'Égypte ou du Soudan. À moins que les trois pays ne parviennent rapidement à un accord, l'Égypte et le Soudan ne peuvent rien faire d'autre qu'attendre, et voir si leurs pires craintes vont se réaliser.
Pour les dizaines de millions d'Éthiopiens qui attendent avec impatience le remplissage du barrage, l'exploitation de la puissance du Nil Bleu pourrait s'avérer tout aussi transformatrice que l’a été la découverte de l'or noir pour la vie des Arabes des États du Golfe riches en pétrole.
Pour les dizaines de millions d'Égyptiens et de Soudanais qui dépendent du Nil pour leur vie et leurs moyens de subsistance, les mois et les années à venir seront une période d'anxiété, car ils ne peuvent qu'attendre de voir à quelle vitesse sera rempli le réservoir du Gerd, et constater dans quelle mesure l'exploitation du barrage aura un impact sur le débit d'eau au cours des prochaines décennies, en particulier pendant les inévitables périodes de sécheresse.
“Ce sera un moment historique pour l'humanité en général... si cela devient incontrôlable"
Certaines menaces que représente le Gerd sont moins évidentes mais non moins potentiellement dévastatrices. Le delta du Nil en Égypte, qui se situe en moyenne à seulement un mètre au-dessus du niveau de la mer sur la côte méditerranéenne, s'enfonce déjà lentement, en partie en raison du broyage incessant des plaques tectoniques, mais aussi d’une réduction de la quantité annuelle de sédiments déposés dans le delta. Les scientifiques attribuent cette perte de sédiments à la création du haut barrage d'Assouan en Égypte entre 1960 et 1970, prix payé pour la production d'électricité et la stabilisation de l'approvisionnement en eau. Des études récentes estiment cependant que ce problème sera «sérieusement amplifié» lorsque le Gerd entrera en fonction.
Au cours de la dernière décennie, malgré de nombreuses tentatives de négociations et de médiations, tous les efforts pour parvenir à un accord entre les trois pays sur les questions cruciales du remplissage et de l'exploitation du barrage ont échoué.
"Le cœur du problème est que les pays en aval veulent conserver le statu quo actuel"
Le Caire insiste: la décision de l'Éthiopie de prendre le contrôle du fleuve va à l'encontre des droits exclusifs accordés à l'Égypte sur les eaux du Nil par la Grande-Bretagne en 1929, et de ceux définis dans un second accord entre elle et le Soudan en 1959. L’Éthiopie, déterminée à accélérer son développement et à devenir un acteur régional important, affirme que de tels accords remontant à la période coloniale, excluant les neuf autres pays qui partagent aujourd'hui le bassin du Nil, n'ont plus de valeur aujourd’hui.
En l'absence d'accord, le spectre d'un conflit plane sur les négociations souvent interrompues, alors que la région reste en proie à une dangereuse impasse. En juin 2013, la réunion d’un groupe de politiciens égyptiens a été accidentellement diffusée en direct à la télévision. Ces derniers discutaient d’options militaires pour arrêter la poursuite de la construction du barrage lors d'une réunion avec le président de l'époque Mohammed Morsi. Les propositions évoquées allaient du soutien aux rebelles éthiopiens à l'envoi de forces spéciales pour détruire le barrage.
Plus récemment, le 2 mars, l'Égypte et le Soudan ont signé un accord de coopération militaire, ce que certains commentateurs ont interprété comme une évolution inquiétante. Quatre jours plus tard, dans un discours prononcé lors d'une visite à Khartoum, le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi avait ainsi déclaré: «Nous rejetons la politique consistant à imposer le fait accompli, et à étendre le contrôle du Nil Bleu par des mesures unilatérales, sans prendre en compte les intérêts du Soudan et de l'Égypte.»
À la fin du mois de mars, le président égyptien a semblé faire monter encore les enchères. «L'eau de l'Égypte est une ligne rouge», a-t-il déclaré. «Personne ne peut prendre une seule goutte d'eau à notre pays.»
“L'impact sera encore plus important pendant les années sèches, ce qui nécessite une coopération entre les pays”
Pourtant, le barrage est désormais bel et bien une réalité, et l'Éthiopie s'est engagée à poursuivre le remplissage du réservoir au cours de la prochaine saison des pluies, avec ou sans l'accord de l'Égypte ou du Soudan. À moins que les trois pays ne parviennent rapidement à un accord, l'Égypte et le Soudan ne peuvent rien faire d'autre qu'attendre, et voir si leurs pires craintes vont se réaliser.
Pour les dizaines de millions d'Éthiopiens qui attendent avec impatience le remplissage du barrage, l'exploitation de la puissance du Nil Bleu pourrait s'avérer tout aussi transformatrice que l’a été la découverte de l'or noir pour la vie des Arabes des États du Golfe riches en pétrole.
Pour les dizaines de millions d'Égyptiens et de Soudanais qui dépendent du Nil pour leur vie et leurs moyens de subsistance, les mois et les années à venir seront une période d'anxiété, car ils ne peuvent qu'attendre de voir à quelle vitesse sera rempli le réservoir du Gerd, et constater dans quelle mesure l'exploitation du barrage aura un impact sur le débit d'eau au cours des prochaines décennies, en particulier pendant les inévitables périodes de sécheresse.
“Ce sera un moment historique pour l'humanité en général... si cela devient incontrôlable"
La réduction de la part de l'eau en Égypte entraînera l'abandon de vastes étendues de terres agricoles et la dispersion de millions de familles.
Toute menace sur le cours du Nil est une menace directe pour la survie nationale de l'Égypte... Les effets attendus du RGO sur la sécurité hydrique de l'Égypte sont élevés et peuvent être désastreux, notamment lors du remplissage... Si le remplissage est synchronisé avec une période de crue inférieure à la moyenne, les effets seront catastrophiques.
L'Égypte est déjà confrontée à de graves pénuries d'eau… Malgré l'Éthiopie qui affirme que les projets hydroélectriques ne causeront aucun dommage, le remplissage et l'exploitation unilatérales du barrage éthiopien aggraveraient rapidement les choses pour l'Égypte et le Soudan, causant de graves dommages environnementaux et socioéconomiques.
Personne ne sera autorisé à prendre une seule goutte d'eau d'Égypte, sinon la région tombera dans une instabilité inimaginable... tout acte d'hostilité est regrettable... mais notre réaction au cas où nous serions affectés toucherait la stabilité de l'ensemble de la région.